Pour un particulier français, les fonds ouverts allemands (par opposition aux fonds fermés dans lesquels des investisseurs qualifiés s’associent pour une période donnée) ne présentent guère d’intérêt : ils n’y ont pas accès. Pourtant, ce qui se passe outre-Rhin mérite d’être connu : des leçons sont à tirer de l’expérience allemande et si l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) a mis tant de freins au développement des OPCI grand public, c’est bien parce qu’elle ne voulait pas que se retrouvent ici les mêmes problèmes qu’en Allemagne.
En effet, avec la crise financière de 2008, certains fonds ouverts allemands ont connu de grandes difficultés. Depuis 1959, date de la création du premier d’entre eux ouvert au grand public, ces fonds immobiliers donnaient entière satisfaction, avec un rendement pratiquement toujours supérieur à l’inflation et une faible volatilité. Mais les remous sur les marchés financiers ont amené des investisseurs institutionnels à vendre leurs parts, non pas parce qu’ils étaient inquiets pour l’avenir de ce placement, mais parce qu’ils avaient besoin d’argent et que ces actifs étaient ceux qui paraissaient pouvoir se vendre dans les meilleures conditions.
Mais là on retrouve le risque qu’il peut y avoir à faire de l’immobilier un placement financier. Car certains fonds se sont trouvés incapables de faire face à l’afflux de demandes de rachat des parts, faute de liquidités. Et on ne vend pas des immeubles en quelques jours. Des particuliers qui auraient voulu aussi vendre leurs parts se sont trouvés pris dans le piège. Aujourd’hui, sept de ces fonds sont en cours de dissolution ; six autres, qui avaient dû aussi interrompre le rachat des parts, ont obtenu un sursis et tentent de convaincre les investisseurs de rester.
Ces événements ont été suivis de très près par l’AMF. C’est ce qui explique que malgré le succès des OPCI réservés aux professionnels, seuls sept soient ouverts au grand public à ce jour et qu’aucun n’ait pu encore être lancé sous la forme FPI (fonds de placement immobilier). La question de la liquidité est au cœur de la réflexion menée par les autorités de tutelle.
Les Allemands aussi ont tiré la leçon de l’expérience. De nouvelles contraintes légales vont s’appliquer à partir de 2013 ; elles concerneront surtout les investisseurs institutionnels, qui devront s’engager pour deux ans au moins et donner un préavis de douze mois pour la rétrocession de leurs parts (ils auront tout de même la possibilité de prélever 30.000 € par semestre). De plus, les sociétés de gestion de ces fonds vont au-delà des contraintes légales: planification du niveau de liquidité, diversification des actifs immobilier et, surtout, séparation entre investisseurs institutionnels et investisseurs individuels, chaque catégorie ayant des fonds spécifiques.
Ces fonds occupent aujourd’hui une place significative dans l’épargne allemande et gèrent près de 90 milliards d’euros ; plus de 41 % des investissements indirects dans l’immobilier allemand sont effectués par leur intermédiaire.
Certains d’entre eux sont très présents en France. Citons par exemple Union Investment, deuxième gérant de fonds ouverts en Allemagne, dont la filiale française a créé en 2007 un des premiers OPCI RFA (réservés aux investisseurs professionnels). Union Investment Real Estate France gère 25 immeubles d’une valeur totale d’environ 2,5 milliards d’euros. Sa dernière opération en date : la vente à la SCPI PFO2 gérée par Perial AM de l’immeuble de bureaux marseillais Espace Gaymard pour plus de 38 millions d’euros.
De ces expériences, l’investisseur individuel français doit retenir au moins deux enseignements.
D’abord, quand on achète des parts d’un fonds, il est préférable de choisir un fonds réservé aux seuls investisseurs individuels ; c’est le meilleur moyen de ne pas connaître ces crises de liquidités provoquées par des ordres de vente importants émanant d’investisseurs institutionnels.
Ensuite, un placement en immobilier ne peut être aussi parfaitement liquide qu’un placement en valeurs mobilières. La pierre- papier offre des avantages sur ce plan par rapport à l’investissement immobilier direct, mais il n’y a pas de miracle : on ne peut prétendre gagner sur tous les tableaux en même temps. L’investissement dans des actions de foncières cotées est une forme de pierre-papier très liquide (on peut vendre en Bourse à tout moment), mais c’est aussi la plus volatile.
Il faut bien avoir conscience que la liquidité d’un produit d’investissement en immobilier a un coût : les fonds placés de telle sorte qu’ils puissent être très rapidement récupérés rapportent moins que ceux qui sont placés à long terme dans des immeubles. C’est un élément à prendre en compte. Il faut savoir ce que l’on veut : privilégier le rendement, et donc s’engager à long terme, ou garder toute la souplesse d’une épargne disponible à tout moment, avec en corollaire une rémunération un peu plus faible. A chacun de choisir en fonction de ses besoins.
G. H.