Les mesures annoncées par François Fillon le 7 novembre pour rassurer les agences de notation et faire en sorte que les emprunts de l’Etat français gardent leur triple A ne sont pas anodines. Nous ne nous intéresserons ici qu’à celles qui peuvent concerner les investisseurs dans la pierre-papier.
– Première mesure, celle qui rapportera le plus, sans en apparence prendre la forme d’une hausse de l’impôt : le gel du barème de l’impôt sur le revenu en 2012 et 2013 (donc sur les revenus de 2011 et 2012). Les seuils des différentes tranches ne seront pas relevés en fonction de la hausse des prix, ce qui permet d’augmenter le rendement de l’impôt sans augmenter les taux. Du coup, d’autres barèmes, alignés sur celui-ci, seront gelés aussi : il s’agit de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des tarifs et abattements en matière de droits des successions et des donations. Cette mesure devrait rapporter 1,7 milliard d’euros sur chacune des deux années.
– Le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) sur les dividendes et les intérêts sera porté de 19 % à 24 %, avec pour objectif d’aligner la fiscalité des dividendes sur celle des revenus du travail.
En effet, pour les ménages soumis au taux d’imposition maximal de 41 % pour la tranche supérieure de leurs revenus, l’imposition des dividendes n’est en fait que de 24,6 % du fait que les dividendes imposés dans le cadre du barème bénéficient d’un abattement de 40 %. Les deux formules –imposition au barème ou imposition forfaitaire- vont donc devenir quasiment équivalentes pour les dividendes. En revanche, pour les revenus de l’épargne perçus sous forme d’intérêts, le prélèvement forfaitaire libératoire restera, même à 24 %, plus intéressant qu’une imposition à 41 %.
Précisons que l’imposition des plus-values mobilières et immobilières reste au taux de 19 %.
– La fin du dispositif Scellier fin 2012. En soi, ce n’est pas une information. Il avait été prévu dès le départ que ce dispositif s’arrêterait à cette date. Mais tous les professionnels avaient bon espoir qu’il serait reconduit pour quelques années.
Si l’on veut rester optimiste, on peut se dire que les besoins en logements locatifs sont tels en France que la majorité qui sera au pouvoir l’an prochain devra bien prévoir quelque chose pour 2013. En attendant, tout le monde s’attend à un net recul de l’activité dans le secteur du logement. Cela s’est vu en Bourse : le jour même de l’annonce du plan Fillon, Nexity a perdu 10,67 % et, le lendemain, le titre reculait encore de 4,32 %.
Dans le monde de l’immobilier, l’émotion est d’autant plus vive que le nouveau prêt à taux zéro, le PTZ +, sera réservé dès l’an prochain aux acquisitions dans le neuf et qu’il ne sera plus accordé au-delà d’un certain plafond de ressources. Par ailleurs, pour le calcul du crédit d’impôt développement durable, les différents taux applicables, déjà réduits en 2011, seront encore réduits de 20 %. Sans parler du relèvement à 7 % de la TVA sur les travaux dans les locaux d’habitation.
Pour 2012, seuls les logements ayant le label BBC pourront bénéficier du dispositif Scellier, mais au taux de 14 % contre 22% cette année. Et, pour les logements intermédiaires, la réduction supplémentaire sera de 4 % (au lieu de 5 %) sur trois ans, renouvelables une fois. Autrement dit, une SCPI BBC intermédiaire qui peut procurer aujourd’hui un avantage fiscal global de 27 % sur douze ans ne pourra plus apporter l’an prochain qu’un avantage de 18 % (14 + 4).
Ces mesures, on s’en doute, sont inspirées par un double souci d’annonce : plaire aux agences de notation tout en montrant aux citoyens que tout le monde sera concerné par les hausses d’impôt. Le moment venu, nos dirigeants réaliseront que les aides au logement sont peut-être trop utiles à l’économie pour être considérées uniquement sous l’angle « niches fiscales ». Ce dernier épisode du feuilleton budgétairel souligne malheureusement une des faiblesses majeures de notre système : plus encore que la lourdeur des impôts, c’est l’incertitude entourant les règles du jeu qui inquiète les investisseurs. Et ce n’est pas fini. On peut être sûr d’une chose : la majorité sortie des urnes au printemps 2012, quelle qu’elle soit, aura pour priorité de procéder à d’autres réformes fiscales !
Gérard Horny
Pierrepapier.fr >> newsletter >> édito