Êtes-vous SIIC ou SCPI ? Si l’on vous le demande, vous allez répondre que c’est un faux problème : on n’achète pas des actions de foncières cotées comme on achète des parts de SCPI. Chaque investissement a sa logique propre. Il n’empêche que la question se pose régulièrement : les professionnels des placements financiers ayant l’immobilier comme support n’ont pas tous la même vision des choses. Et, en fonction des succès momentanés obtenus par les uns et les autres, le législateur peut pencher en faveur du coté ou du non coté. En période de basses eaux budgétaires, on peut d’ailleurs craindre une fiscalité moins attrayante dans un cas comme dans l’autre…
Le débat entre coté et non coté n’est pas neuf. Il n’est pas non plus spécifique à l’immobilier. Il se situe d’abord au niveau de la direction de l’entreprise : ses dirigeants arrivent-ils à trouver les moyens de financement nécessaires ou ont-ils besoin de faire appel à l’épargne publique ? Et s’ils n’ont pas besoin de faire appel au marché, pourquoi se lanceraient-ils dans une coûteuse procédure d’introduction en Bourse ? En fait, le débat n’a rien d’idéologique ; il est purement pratique. Le chef d’entreprise doit faire le choix le plus approprié à sa situation. Pour sa notoriété personnelle, pour préparer sa succession, une entrée en Bourse peut-être tentante ; il n’est pas sûr que ce soit toujours le bon choix.
Pour l’épargnant, la question est de savoir quels objectifs on poursuit quand on effectue son placement et de quel temps on dispose pour sa gestion. Si l’on veut toucher un revenu régulier et ne pas avoir de soucis, mieux vaut acheter des parts de SCPI que l’on gardera au minimum une dizaine d’années. Si l’on est disposé à consacrer plus de temps à son investissement et si l’on accorde au moins autant d’importance à la plus-value qu’au rendement, on peut avoir intérêt à acheter des actions de foncières cotées que l’on achètera et revendra au gré des cycles boursiers et des performances particulières de chaque titre. Comme les foncières cotées évoluent à long terme (plus de cinq ans) comme l’immobilier, on peut acheter des trackers ou des OPCVM immobiliers avec l’intention de les garder plusieurs années ; on peut aussi loger ses titres de SIIC dans un PEA. On peut enfin consacrer une partie de son patrimoine à l’immobilier coté et une autre au non coté ; les deux approches sont plus complémentaires que contradictoires.
Et les OPCI grand public ?
Dans ce contexte, la création des OPCI apporte une nouveauté qui a été assez mal perçue. L’idée était d’offrir au grand public un produit ayant l’attrait de l’immobilier et une grande liquidité. De fait, le lancement des OPCI est d’ores et déjà un succès –avec un encours qui a atteint 12 milliards d’euros en trois ans-, mais qui n’est pas venu de là où on l’attendait : ce sont les entreprises et les investisseurs institutionnels qui ont tout de suite compris quel usage ils pouvaient tirer de ce nouvel outil.
Pour le grand public, la situation se présente différemment. Les épargnants à la recherche de la sécurité et de la stabilité d’un placement dans l’immobilier non coté ont jusqu’à présent toujours refusé de transformer leurs SCPI en OPCI quand on leur a posé la question ; et, à quelques exceptions près, il est probable que peu d’OPCI naîtront à partir des SCPI actuelles. Quant aux OPCI grand public créés ex nihilo, il n’en existe que six au total, proposés par quatre sociétés de gestion.
Mais il semble que le mouvement soit en train de s’accélérer. Le départ a été lent parce que l’AMF (Autorité des marchés financiers), dans le climat de crise financière des années 2008 et 2009, s’est montrée particulièrement vigilante ; dans le souci louable de protéger au maximum les épargnants et de faire en sorte que le nouveau produit qui leur serait proposé soit le plus sûr possible, elle a renforcé les exigences prévues par les textes. Mais le dialogue mené avec les sociétés de gestion semble porter ses fruits. Déjà la compagnie d’assurance Predica va offrir de l’immobilier dans le cadre de l’assurance vie en s’appuyant sur un OPCI. Et d’autres initiatives sont attendues pour le grand public.
Les développements en cours sont d’autant plus intéressants qu’ils prennent une dimension européenne. Les investisseurs étrangers ont compris qu’ils pouvaient investir dans l’immobilier en France grâce aux OPCI sans passer par le Luxembourg ; inversement, il semble que les SCPI, jusqu’à présent peu présentes hors de l’Hexagone, songent à regarder hors de nos frontières ; ce sera encore plus le cas des futurs OPCI. Enfin, il faut rappeler qu’on peut déjà raisonner en immobilier à l’échelle du continent par le biais de grandes foncières cotées telles qu’Unibail Rodamco ou Klépierre, des OPCVM immobiliers et des trackers sur indices européens. Pour ceux qui sont soucieux de diversifier leurs risques, il y a là matière à réfléchir, dans le coté comme dans le non coté.
Gérard Horny