La série de baisses des prix de souscription de plusieurs SCPI, et la contraction de la collecte accompagnée d’une hausse significative des parts en attente, interrogent sur la liquidité présente et à venir de ces véhicules. Datas et analyse.
En mars 2021, dans le sillage de la crise sanitaire, l’IEIF s’était penchée avec son acuité habituelle sur le sujet de la liquidité des SCPI. Il s’agissait alors de vérifier si la période de confinement avait affecté la fluidité du marché des parts. Et, plus globalement, d’évaluer la robustesse du modèle des fonds immobiliers non cotés grand public en matière de liquidité.
Les SCPI ont traversé sans encombre la crise sanitaire
L’étude, mandatée par l’ASPIM, et confiée à Pierre Schoeffler, senior adviser à l’IEIF, débouchait sur des résultats plutôt rassurants. Tout du moins à court terme. Bien que le marché secondaire des SCPI ait connu en 2020 « la plus forte activité de son histoire », tous les indicateurs de leur liquidité étaient restés dans le vert. Le marché secondaire ne se situait finalement pas à des niveaux si élevés : 1,25 Md€ échangés, contre un peu plus d’un milliard les années précédentes. Le taux de rotation des parts[1], qui évoluait dans un tunnel compris entre 1,4% et 2% depuis 10 ans, restait lui aussi dans l’épure, à 1,8%. Surtout, le pourcentage des parts en attente rapportées à la capitalisation totale[2] demeurait à ses plus bas historiques. A 0,15%, pour l’ensemble du marché. Contre 0,12% en 2019.
SCPI : traverseront-elles aussi la « crise des valorisations » ?
Stéphanie Galiègue, directrice générale déléguée en charge de la Recherche et des Études, et qui présentait l’étude avec Pierre Schoeffler, constatait d’ailleurs que « le marché secondaire avait fonctionné sans aucune tension ». Et « qu’aucune demande de retrait massif n’avait été observée ». Conclusion : les SCPI avaient « traversé sans encombre la crise sanitaire ». La question que se posent les observateurs aujourd’hui est de savoir si elles sortiront également indemnes de la « crise des valorisations »… Amorcé en mars 2023 -avec la baisse du prix de souscription de la SCPI Laffitte Pierre-, le bal des dépréciations 2023 touche sans doute à sa fin. Mais il est encore trop tôt pour en mesurer toutes les conséquences. Notamment en termes de liquidité.
Quelques signes de tension sur le premier semestre 2023
Les dernières statistiques publiées par l’ASPIM-IEIF, qui ne retracent pour l’heure que l’activité du marché sur le 1er semestre, montrent certes déjà des signes de tensions. Selon ces données, au 30 juin 2023 donc, le marché secondaire des parts de SCPI a en effet quelque peu « gonflé ». Le montant des parts échangées (1 070 M€) a bondi de +32% par rapport au 1er semestre 2022. Le taux de rotation des parts est ainsi passé de 0,8% par semestre, en moyenne, en 2022[3], à 1,2% sur le 1er semestre 2023. Quant au pourcentage des parts en attente rapportées à la capitalisation, il s’établissait, fin juin 2023, à 0,36%. Contre 0,16% fin 2022. Et, donc, 0,15% en 2020 et 0,12% en 2019. Ce « plus que doublement » mérite effectivement une attention particulière…
SCPI : un modèle résilient depuis plus de 50 ans
Surtout si les chiffres du 3e trimestre, qui devraient prochainement être publiés, attestent une nouvelle inflation de ce ratio. Et un nouvel infléchissement de la collecte… L’analyse historique se veut toutefois une nouvelle fois rassurante. « Le modèle des SCPI à capital variable s’est avéré résilient depuis plus de 50 ans », rappelait en effet Pierre Schoeffler lors de la présentation de l’étude précitée. Les SCPI ont en effet résisté à la crise immobilière des années 1990. A la crise financière globale de 2008. Pour l’ensemble du marché, et sur longue période, « le ratio parts en attente/capitalisation n’a jamais dépassé 3% », précisait aussi Pierre Schoeffler. Sauf, effectivement, au plus fort de la crise des années 90. Où ce rapport a pu atteindre 3,5%. On en est, pour l’heure, encore très loin…
Dans l’attente des chiffres du 3T 2023
L’étude IEIF signalait également que quelques véhicules, pris isolément, avaient pu connaître des situations ponctuellement bien plus tendues. Avec des ratios de parts en attente momentanément proches de 35%. Là encore, les chiffres du 1S 2023 ne sont pas de la même ampleur. Sur la petite centaine de SCPI à capital variable présentes sur le marché, à peine 20% ont des parts en attente de cession. 13% ont un ratio supérieur à 1%. Et 5% (soit 5 véhicules) un ratio supérieur à 3,5%. Aucune ne dépasse les 7,5%. En outre, la plupart des SCPI confrontées à cette situation ont depuis lors procédé à la révision, à la baisse, du prix de leurs parts. Une décision qui, on le sait, peut aider à résoudre ce problème de liquidité. Bref, la situation, fin juin, semblait sous contrôle. Attendons toutefois les chiffres du 3e trimestre pour s’en assurer…
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A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2021, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 280,5 Md€.
A propos de l’IEIF(i)
Créé en 1986, l’IEIF est un centre d’études, de recherche et de prospective indépendant spécialisé en immobilier. Son objectif est de soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur activité et leur réflexion stratégique, en leur proposant des études, notes d’analyses, synthèses et clubs de réflexion. L’approche de l’IEIF intègre l’immobilier à la fois dans l’économie et dans l’allocation d’actifs. Elle est transversale, l’IEIF suivant à la fois les marchés (immobilier d’entreprise, logement), les fonds immobiliers (cotés : SIIC, REIT ; non cotés : SCPI, OPCI, FIA) et le financement.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Le taux de rotation représente la part de la capitalisation de la SCPI échangée chaque année.
[2] On parle aussi de taux de parts en attente de cession. Il correspond au pourcentage de parts (en valeur) qui sont soumises à un ordre de vente, mais sans avoir trouvé d’acquéreurs.
[3] Soit un taux de rotation annuel de 1,6% en 2022.