Franck Inghels, directeur de la distribution d’Inter Gestion, livre sa vision du marché des SCPI. Sur le nouvel indicateur de performance « PGA »… Sur la concentration de la collecte, et la pérennité -peut-être compromise- de certains nouveaux acteurs… Ou sur les nouveaux standards de la distribution… Interview.
Frédéric Tixier – Un nouvel indicateur de performance, obligatoire pour les SCPI, a vu le jour en 2025 : la Performance Globale Annuelle. Qui intègre, outre le rendement, la variation annuelle du prix de la part. Vous avez de l’expérience dans ce domaine, Cristal Rente puis Cristal Life ayant régulièrement bénéficié de hausses de leur prix de souscription. L’instauration de cet indicateur ne risque-t-elle pas de modifier la façon dont les sociétés de gestion présentent leurs résultats ? Je pense notamment aux arbitrages entre revalorisation du prix de part et maintien d’un taux de distribution élevé. Car mécaniquement, chaque hausse de prix de part pèse sur le rendement affiché l’année suivante…
L’impact de la Performance Globale Annuelle sur la communication des SCPI
Franck Inghels – C’est effectivement un équilibre subtil. Il faut à la fois distribuer de la valeur, c’est-à-dire restituer la hausse du patrimoine par une revalorisation du prix de part. Et il faut, en parallèle, maintenir un taux de distribution attractif pour les épargnants dans la durée. Car en SCPI, la stabilité des flux est essentielle. Il vaut mieux servir un taux régulier sur une longue période que d’être très performant pendant deux ans, puis de subir un décrochage. Ce nouvel indicateur pourra inciter certains gérants, cette année, à aligner une hausse de valeur afin d’améliorer leur « PGA ». Mais la création de valeur par la hausse du prix de part se décide dès l’origine de l’investissement…
Frédéric Tixier – C’est-à-dire ?
La revalorisation, un complément durable au rendement des SCPI
Franck Inghels – Elle repose sur la qualité de la négociation. Elle repose aussi sur le potentiel d’usage de l’actif. Ce n’est donc pas une stratégie opportuniste que l’on peut improviser. Elle doit être pensée dès le départ. Elle doit surtout s’inscrire dans une habitude de gestion. Or cela reste encore relativement rare.
Frédéric Tixier – La revalorisation du patrimoine constitue donc une forme de « cerise sur le gâteau », sachant que l’on recherche d’abord le rendement. Est-ce bien cela ?
Franck Inghels – Oui. Il faut viser des standards de rendement attractifs pour l’immobilier. Cela reste un placement de long terme. Mais la revalorisation relève avant tout d’une stratégie de gérant. Et peu d’acteurs la mettent réellement en œuvre. De notre côté, nous avons toujours eu cette logique.
Frédéric Tixier – En pratique…
Cristal Rente, progression de 14% du prix de souscription en quatorze ans
Franck Inghels – Quelles que soient les modes du marché, nous avons cherché à restituer de la valeur aux associés par la hausse du prix de part. Sur Cristal Rente, par exemple, le prix de souscription a progressé de 14 % en quatorze ans. Nous sommes dans cette logique-là. Et nous la prolongeons. Cette stratégie s’inscrit dans le temps long. Elle ne peut pas être dictée uniquement par l’apparition d’un nouvel indicateur réglementaire.
Frédéric Tixier – Depuis trois ans, la collecte s’est fortement contractée. Dans le même temps, plus d’une trentaine de SCPI ont été lancées. Et est arrivé ce qui devait arriver : une SCPI a arrêté son activité, faute de collecte. Je précise qu’il n’y a pas eu de casse financière, puisque tous les associés seront intégralement remboursés. Mais on peut craindre que d’autres SCPI récentes connaissent le même sort. Quel est votre regard sur ce sujet ?
Collecte en recul et multiplication des acteurs sur le marché des SCPI
Franck Inghels – Dans un marché qui collecte environ 50 % de moins qu’en 2022, il n’y a, de fait, pas de place pour tout le monde. Il faut des fonds qui ont démontré leur robustesse. Ou bien des fonds qui présentent un réel potentiel de performance immobilière. Aujourd’hui, le marché est très concentré. Une dizaine d’acteurs réalisent près de 80 % de la collecte. Dans ces conditions, une SCPI qui collecte moins de 5 millions d’euros par trimestre rencontre de grandes difficultés pour investir. Même si sa stratégie est pertinente. Sa capacité de déploiement devient insuffisante. La SCPI est un produit de long terme. Ce n’est pas une martingale. Elle suppose de la constance. Elle suppose aussi des moyens.
Concentration croissante, aussi, des réseaux de distribution ?
Frédéric Tixier – L’une des critiques formulées par certains nouveaux entrants concerne la concentration croissante des réseaux de distribution. Ils sont devenus plus exigeants. Avec votre expérience de quinze années dans la distribution, ressentez-vous cette évolution ? Et comment peut-on s’y adapter ?
Franck Inghels – Le spectre des acteurs de la distribution reste pourtant très large. Il va du conseiller en gestion de patrimoine indépendant travaillant seul, jusqu’aux grands groupements et aux réseaux bancaires. Ce paysage demeure ouvert. De nombreux nouveaux cabinets continuent de se créer. En revanche, les exigences d’animation ont fortement augmenté. Le digital, la communication, le cadre réglementaire impliquent aujourd’hui des investissements plus importants. Les sociétés de gestion doivent s’aligner sur ces nouveaux standards. L’accès aux grands distributeurs suppose désormais de véritables tickets d’entrée. Ils sont financiers. Ils sont aussi humains. Cela demande des moyens importants.
La professionnalisation de la distribution élève les seuils d’entrée
Frédéric Tixier – Que vous êtes en mesure d’assumer ?
Franck Inghels – Chez Inter Gestion, nous avons toujours fait le choix de consacrer des équipes à l’animation du terrain. Nous sommes en contact direct avec les partenaires et les associés. Ce dispositif est exigeant. Il suppose une organisation structurée. Oui, cela contribue sans doute à relever les seuils d’entrée sur le marché.
Frédéric Tixier – Il existe donc bien un coût d’entrée. Il nous reste peu de temps… J’aimerais évoquer une autre tendance forte : celle des véhicules investis à 100 % hors de France. Elle est largement motivée par des raisons fiscales. Aujourd’hui, certains souscripteurs refusent même d’investir dans des SCPI exposées à la France. Que pensez-vous de cette évolution ? Est-elle légitime ? Est-elle durable ?
Les SCPI 100 % hors de France : une nouvelle mode ?
Franck Inghels – Je me méfie toujours des dogmes. Lorsque l’on fait de l’immobilier uniquement pour des raisons fiscales, cela se termine rarement bien. Investir en France présente encore des avantages. D’abord pour aller chercher des gisements de croissance. Mais aujourd’hui, la dynamique immobilière ne repose plus uniquement sur la France et l’Allemagne. Plusieurs pays européens offrent de vrais moteurs de développement. Ensuite, il est objectivement plus rapide d’acheter à l’étranger qu’en France. Il faut souvent huit à neuf mois pour finaliser une acquisition en France. A l’étranger, trois à quatre mois suffisent. Pour la transformation de la collecte, c’est un vrai avantage pour les associés.
Frédéric Tixier – Peut-on imaginer une évolution du marché, avec une majorité de SCPI durablement investies à 100 % hors de France ?
Ou une évolution structurelle du marché des SCPI ?
Franck Inghels – Cette demande existe clairement. Elle est liée en grande partie à la fiscalité. À partir d’une TMI de 30 %, et plus encore de 41 %, l’impact fiscal devient très lourd. On ne parle plus d’un simple rabot. C’est un véritable sabre. Pour autant, se priver totalement des opportunités françaises serait dommage. La France représente encore environ 25 % des transactions tertiaires. Il serait excessif de s’en exclure complètement. L’ouverture à l’Europe doit se faire pour la croissance, pour la qualité des actifs et pour les usages. Pas uniquement pour des raisons fiscales. Sinon, ce type de stratégie ne sera pas forcément pérenne.
Frédéric Tixier – Vous faites partie des gestionnaires qui collectent. Votre modèle fonctionne. Or, on observe souvent que les acteurs qui réussissent sont tentés de dupliquer leur modèle. Envisagez-vous un nouveau lancement de SCPI ?
Inter Gestion : pas de nouvelle SCPI programmée… pour l’instant
Franck Inghels – Nous observons naturellement le marché. Mais il faut apporter de l’innovation. Répliquer ce qui existe déjà n’aurait, à mon sens, que peu d’intérêt. Ni pour le marché, ni pour nous. Nous restons attentifs. Mais aucun projet n’est arrêté à ce stade…
Propos recueillis le 25 novembre 2025
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A propos d’Inter Gestion REIM(i)
À la tête de plusieurs entités reconnues pour leur expertise dans le secteur de l’investissement, le Groupe Inter Gestion développe des SCPI depuis plus de 30 ans à travers sa filiale Inter Gestion REIM. La Société de gestion met aujourd’hui à disposition des investisseurs une gamme complète de fonds de rendement. Inter Gestion REIM s’est toujours démarqué par sa gestion prudente et sa capacité à capter la performance des marchés de niche. Elle commercialise aujourd’hui 2 SCPI, CRISTAL Rente et CRISTAL Life. Et gère un patrimoine de plus de 850 millions d’euros.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.



