Pour Laurent Gauville, directeur général de Gestion 21 et cogestionnaire du fonds Immobilier 21[1], l’immobilier coté reste toujours aussi attractif. D’autant que la reconstitution de la prime de risque le protégerait en cas de nouvelles hausses de taux. Il est l’invité des Acteurs de la pierre-papier. Podcast.
Première question, sur la conjoncture boursière. Depuis l’annonce des résultats de l’élection présidentielle américaine, le segment des foncières cotées européen a dévissé d’une dizaine de pourcents. L’immobilier n’est donc pas « Trump compatible » ?
Laurent Gauville – Quand on regarde son CV, on aurait pu croire qu’il l’était… Le paradoxe de la situation, c’est que Donald Trump a fait une campagne sur l’inflation. En tout cas, sur le combat contre l’inflation. Alors qu’aujourd’hui son élection est associée à une hausse de l’inflation… Sachant, toutefois, qu’il est évident que sa programmatique est inflationniste…
Et c’est cela qui explique la baisse du secteur foncier en Europe ?
Laurent Gauville – C’est une crainte. Vous savez, la particularité de l’Europe, c’est qu’elle est toujours plus inquiète que les autres. Quand on regarde le segment des foncières américaines (les REIT, l’équivalent des foncières cotés européennes), ce dernier n’a absolument pas décroché. Ce qui n’est effectivement pas le cas sur les marchés européens.
Précisément, quid de la performance des foncières cotées européennes aujourd’hui ? Est-elle dans le vert ?
Laurent Gauville – La performance est positive. De l’ordre de +10%/+15% sur un an glissant, à date. Ce qui est, objectivement, assez satisfaisant. Même si, pour ceux qui suivent notre discours sur le potentiel de rattrapage du secteur, ce score peut sembler décevant…
Les foncières ont pratiquement toutes publié leurs résultats trimestriels. Que faut-il en retenir, notamment sur le sujet de la valorisation des actifs sous-jacents ?
Laurent Gauville – Ce qu’il faut en penser ? Que du bon ! Pourquoi ? Regardons deux éléments, le compte de résultat, et le bilan. Sur le compte de résultat, on observe des taux de croissance très importants. De l’ordre de 3%, 4%, voire 5%, en fonction des typologies d’actifs. Le bureau, tout du moins le bureau périphérique, est effectivement un peu à part. Mais pour les autres typologies –retail, logistique, logement…-les taux de croissance sont très élevés. Et que disent les bilans ? Que les valeurs d’actifs se stabilisent. C’est un tournant très important selon moi.
Pourquoi ?
Laurent Gauville – Car, depuis deux ans environ, ces valeurs d’actifs étaient en baisse d’un trimestre à l’autre. Cette stabilisation est donc un tournant. Car des valeurs d’actifs stabilisées, cela signifie des bilans plus « oxygénés ». Cela signifie une forte réduction des risques. Or, ce qui est paradoxal, c’est que les foncières se payent encore aujourd’hui au même prix qu’avant l’annonce de cette excellente nouvelle.
Les cours des foncières devraient effectivement suivre cette évolution… Cette observation renforce-t-elle votre crédo qui consiste à marteler que le placement « foncières cotées » est un placement plus attractif que d’autres ?
Laurent Gauville – Partons de deux constats. Un constat conjoncturel et un constat structurel. Le constat conjoncturel, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a pas plus rentable que l’immobilier côté. Pourquoi ? Parce que le secteur décote. Décote, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que l’on achète des actifs immobiliers en solde. Conséquence : la rentabilité, bien évidemment, est « bonifiée » par cette décote. Donc, aujourd’hui, l’immobilier coté est la formule la plus rentable en immobilier. A cet atout conjoncturel s’ajoute en outre un atout structurel.
Sur le temps long…
Laurent Gauville – L’investissement immobilier est effectivement un investissement de temps long. Donc le structurel est plus important que le conjoncturel. Sur le structurel, acheter de l’immobilier côté, c’est acheter de l’immobilier détenu en portefeuille. Chez Gestion 21, nous aimons beaucoup le concept de portefeuille. Un portefeuille, c’est géré par une équipe. Par des humains. Avec des savoir-faire précis. Et des reporting de qualité. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les actifs gérés dans des portefeuilles ont des taux d’occupation structurellement supérieurs à ceux que l’on peut observer sur les actifs gérés en direct. J’ajouterai une formule de l’un de mes anciens présidents : « si vous achetez un immeuble, c’est une dépense. Si vous achetez un portefeuille d’immeubles, c’est un investissement ». C’est le cahier des charges structurel de l’immobilier coté. Auquel il faudrait ajouter un élément que je n’ai pas encore mentionner, la liquidité….
La liquidité, un sujet d’autant plus important pour l’immobilier aujourd’hui…
Laurent Gauville – La liquidité, j’adore… Parce que la liquidité, on ne sait pas vraiment quand on en aura besoin. Mais on doit avoir en permanence de la considération envers elle. La liquidité, c’est aussi un peu la grande oubliée de ces cinq dernières années. Or, rappelons que l’immobilier coté permet précisément d’acheter cette liquidité… sans la payer. C’est exceptionnel… Donc, détenir un portefeuille d’immobilier assorti de cette liquidité est réellement unique, puisque les autres formes de détention de l’immobilier, malheureusement, ne répondent pas à ce cahier des charges en termes de liquidité…
Et le sujet de la dette, qui ajoute à la sensibilité des foncières aux variations des taux d’intérêts, c’est un aspect positif ou négatif actuellement ?
Laurent Gauville – Là encore, c’est le propre de l’Europe d’être toujours plus pessimiste que le reste du monde. Ce pessimisme ambiant s’est attaqué, il y a 4 ans, au sujet des centres commerciaux. Certains prétendaient que cette forme de commerce allait disparaître. Il s’est attaqué, il y a deux ans, au sujet de la remontée des taux. On parlait alors d’effondrement. Mais, finalement, quel a été l’impact de la hausse des taux ? La confirmation, tout du moins en termes de résultats, que l’indexation des loyers était bien le papier buvard de la hausse des taux… En fait, ce que les foncières ont gagné en suppléments de loyers, grâce à l’inflation, elles l’ont redonné aux « banquiers ». Le solde est nul. Ce qui signifie que les cash-flows sont restés relativement stables, à périmètre constant. Côté bilan, l’analyse est plus complexe.
Plus précisément ?
Laurent Gauville – Parce que cette hausse des taux est intervenue à un moment où les primes de risque reflétaient encore la période précédente, où les taux étaient ridiculement bas. Il a donc fallu reconstituer cette prime de risque. Ce qui est le cas aujourd’hui. Le scénario actuel est donc favorable, parce que les taux d’occupation sont élevés (d’ailleurs, l’analyse « indexation papier buvard de l’inflation » ne fonctionne que sur les immeubles occupés). Il est favorable, car une nouvelle hausse des taux n’aurait pas du tout le même impact aujourd’hui, puisque les primes de risque ont été reconstituées
Propos recueillis le 15 novembre 2024
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A propos de Gestion 21(i)
Gestion 21 est une société de gestion indépendante créée en 2007. Son métier consiste à gérer des actions à long terme pour le compte d’investisseurs via des OPC ou des mandats institutionnels. Elle propose son expertise sur deux classes d’actifs : les actions françaises et les foncières cotées de la zone euro. Forte de l’expérience accumulée par ses gérants-fondateurs depuis plus de 20 ans, de ses travaux de recherche appliqués, du suivi approfondi et des rencontres avec les entreprises, l’équipe de gestion travaille avec patience et rigueur dans le but de réaliser des investissements profitables à long terme.
- Information extraite d’un document officiel de la société.
[1] Le fonds Immobilier 21 supporte un risque en capital, un risque Action et un risque lié à la gestion discrétionnaire. Veuillez-vous référer au prospectus et au document d’informations clés pour l’investisseur avant de prendre toute décision finale d’investissement.