Entretien avec Arnaud Dewachter, Délégué général de l’Aspim
Le délégué général de l’association professionnelle des sociétés de gestion de SCPI juge satisfaisante la collecte et les performances des SCPI en 2013. Il explique pourquoi les modifications du cadre réglementaire des SCPI renforcent leur reconnaissance par les pouvoirs publics et élargit leurs moyens d’actions au bénéfice de leurs associés.
Pierrepapier.fr – Comment accueillez-vous le bilan des performances et de la collecte des SCPI 2013 ?
Arnaud Dewachter – La collecte réalisée par les SCPI l’an dernier est satisfaisante. L’attractivité de ces fonds d’investissement immobilier est une nouvelle fois confirmée. Dans le paysage global de l’épargne, les Français ont bien compris que les SCPI leur donnaient accès à la classe d’actifs immobiliers tout en leur apportant les atouts de la gestion collective, une gestion professionnelle, déléguée et mutualisée.
La collecte brute de 3 milliards d’euros est proche de son record absolu. Et la collecte nette, à 2,5 milliard d’euros, est stable. Je note que la collecte des SCPI investies dans le secteur résidentiel s’est elle aussi maintenue, quand bien même on reste loin du record de 2010 acquis grâce au régime Scellier.
Satisfaction également au regard du marché secondaire qui a connu une progression de 29%, à 523 millions d’euros. Cette orientation marque un approfondissement du marché, même si les associés des SCPI préfèrent le plus souvent conserver leurs parts très longtemps. Je les comprends car ce ne sont pas les performances de ces dernières années qui les motiveraient pour vendre. Les souscripteurs ont trouvé dans les SCPI un placement pérenne, à même de leur procurer des revenus complémentaires pour leur retraite. Cependant, ceux qui souhaitent céder leurs parts le font dans de bonnes conditions, rapidement et au prix du marché.
La capitalisation des SCPI frôle maintenant les 30 milliards d’euros. Derrière ce montant en €, j’aime à rappeler que les SCPI abritent aujourd’hui environ un million de personnes qui travaillent dans les locaux détenus et gérés par les SCPI.
Quant aux performances délivrées l’an dernier par les SCPI d’immobilier d’entreprise, elles sont elles aussi très appréciables. On constate un maintien de la distribution de leurs revenus dans un contexte difficile pour les entreprises utilisatrices des locaux gérés et détenus par les SCPI. Il faut y voir le résultat positif de la gestion prudentielle qu’elles ont adoptée jusqu’à présent, avec l’accumulation de réserves lors des années plus faciles. Cela dit, les SCPI qui ont utilisé leur report à nouveau restent minoritaires et, au contraire, on a vu l’an dernier une bonne part des SCPI accroître encore ces réserves. Le maintien de la distribution a permis au rendement moyen de s’établir à 5,13 % en 2013 contre 5,20 % en 2012, alors que le prix moyen des parts a progressé très légèrement (0,20 %).
La résistance des SCPI face à la crise et à l’accroissement de la vacance du parc immobilier de bureau vous semble-t-elle à toute épreuve ?
AD – La question est légitime. On a observé une réelle capacité de résistance des SCPI depuis l’irruption de la crise en 2007. La dégradation du marché locatif des bureaux n’a pas empêché des performances en hausse pour les SCPI ! C’est remarquable. A plus long terme, si le marché locatif reste mal orienté, il faudra apprécier les conséquences au cas par cas. On verra que la réponse dépend de la structure de leur portefeuille et de leur capacité passée et présente à générer du report à nouveau et des plus-values pour compenser des revenus locatifs en retrait.
La directive AIFM est maintenant transposée en droit français. Qu’est-ce que ça change pour les SCPI ?
AD – La transcription de la directive AIFM nous a considérablement mobilisés en 2012 et 2013. Cette année encore, l’adaptation des sociétés de gestion au nouveau cadre réglementaire va demander de gros efforts. Les effets positifs de l’intégration des SCPI dans le champ de la directive AIFM l’emportent sur le surcroît d’obligations pesant sur les sociétés de gestion. L’Aspim se félicite de l’institutionnalisation des nouveaux FIA, parmi lesquels figurent les SCPI, qui va de pair avec leur reconnaissance dans les droits français et européen. Désormais, ces fonds immobiliers jouent dans la « cour des grands » ! Jusqu’il y a peu, nous pouvions souffrir d’une mauvaise appréciation de la part des pouvoirs publics qui pouvaient nous confondre avec de simples sociétés civiles familiales sans bien comprendre la place que nous avons acquise au fil des années dans les stratégies d’épargne des français. Rappelons que près de 600 000 particuliers ont manifesté leur confiance dans ces fonds immobiliers. Avec le nouveau cadre réglementaire, nous sommes reconnus comme des fonds d’investissement immobilier gérés par des professionnels reconnus par les régulateurs (AMF en France, ESMA au niveau européen) et ayant des comptes à rendre à ses investisseurs.
Ce serait une erreur de cantonner l’AIFM à la seule obligation d’un dépositaire externe dont certains associés se sont alarmés et qui finalement devrait représenter un coût assez limité. Ce texte renforce notamment l’exigence de reporting dû aux régulateurs et aux investisseurs, le contrôle des risques et la prévention des conflits d’intérêts. Le nouvel environnement réglementaire et législatif a pour vertu principale de « normaliser » les SCPI au même titre que toute l’épargne collective.
Parallèlement à la transposition de la directive AIFM, des dispositions législatives modernisant le fonctionnement des SCPI ont vu le jour. Concrètement qu’est-ce que les associés des SCPI ont gagné avec cette réforme ?
AD – Les autorités françaises ont placé la transposition de la directive européenne sous le signe de la compétitivité de la place de Paris. C’était une stratégie gagnante dès lors que la directive ouvre un champ d’action européen aux fonds d’investissement, quelle que soit la classe d’actifs dans laquelle ils sont spécialisés. Très tôt, l’ASPIM s’est mobilisée pour mettre à profit l’opportunité qui lui était présentée de moderniser les règles de fonctionnement des SCPI et élargir leur capacité d’action. Nous avons ainsi abouti à la réforme de loin la plus significative depuis la création des SCPI en 1970. C’est principalement l’asset management, à savoir la gestion des actifs immobiliers tout au long de leur cycle de vie, qui a été au cœur de nos réflexions. Les SCPI ont obtenu un élargissement significatif de la palette des types d’actifs immobiliers éligibles ainsi que de leurs modalités de détention. Elles vont désormais pouvoir investir dans des participations de sociétés détenant des biens immobiliers et procéder elle-même à des travaux de restructuration et d’agrandissement de leurs immeubles. Auparavant, elles pouvaient être même contraintes de vendre un actif à un promoteur pour qu’il réalise ces travaux pour éventuellement le racheter, avec ce que cela suppose comme abandon de création de valeur et de frottements fiscaux… Les nouvelles commissions d’arbitrage et de suivi des travaux, qui faisaient souvent l’objet d’accords contractuels validés par les assemblés générales d’associés, sont maintenant généralisées. Leur surcoût éventuel pourra être compensé par la création de valeur générée par ces opérations.
L’idée générale repose sur la modernisation dynamique des SCPI, sans aucune remise en cause de la spécificité de ces fonds immobiliers qui resteront des produits de rendement. De même, des actifs pourront être revendus rapidement quand ils ont été acquis en marge d’une opération pour la SCPI. Avec ces dispositions nouvelles, les gérants ont les mains plus libres pour mettre à niveau le patrimoine immobilier aux standards du Plan Bâtiment durable. Il s’agit de la reconnaissance par les autorités de toute l’étendue de la mission du gestionnaire au bénéfice du véhicule et de ses associés.
Ces derniers mois dans l’antichambre de la pierre-papier de nouveaux fonds alternatifs ayant, comme les SCPI, un support immobilier se sont multipliés. Comment appréciez-vous cette nouvelle concurrence ?
AD – Il faut voir dans ces initiatives le foisonnement intéressant que suscite actuellement l’investissement en immobilier. Les SCPI ne sont d’ailleurs pas en reste pour imaginer de nouvelles thématiques d’investissement. Dernièrement, on a assisté à la création de nouvelles sociétés dédiées à des stratégies innovantes. Je pense aux SCPI qui se consacreront à des pays étrangers de l’Union européenne et à d’autres qui ont choisi d’investir dans le tourisme, la santé, ou bien encore des thématiques régionales bien précises. Par ailleurs, l’Aspim a relayé les efforts de l’association Pulse pour sensibiliser les pouvoirs publics sur ce que le démembrement temporaire de logements sociaux voire intermédiaires peut apporter dans la résorption de la crise du logement. J’observe également que tous les fonds dont nous parlons relèvent de la directive AIFM et devront respecter l’ensemble des prescriptions qui en découlent. Les SCPI et les OPCI sont déjà en ordre de bataille pour mettre en œuvre des produits innovants. Nous nous réjouissons de l’élargissement de la palette des fonds immobiliers pourvu que la qualité du conseil dispensé soit à la hauteur des besoins et des attentes des clients investisseurs.
Les SCPI répondent aux besoins de l’épargne longue. Pensez-vous parvenir à les rendre éligible à l’épargne salariale ?
AD – L’investissement immobilier, par nature de long terme, à la volatilité réduite quand il n’est pas coté et souvent contra-cyclique, répond très bien aux finalités de l’épargne longue dont fait partie l’épargne salariale. En commun avec l’AFG, l’Aspim propose de faire passer de 10 à 30 % des encours des FCPE la part dévolue aux OPCI. Plus largement, nous sommes ouverts à toute réflexion avec les parties concernées pour faire mieux reconnaître l’intérêt d’une intégration élargie des fonds immobiliers dans l’épargne salariale et les formules de long terme en général.
Au-delà, les SCPI, les OPCI et tous les FIA immobiliers doivent être reconnus comme des canaliseurs d’une épargne vertueuse et au service de l’économie française. Nous répondons aussi bien aux besoins immobiliers des entreprises et des ménages de ce pays ainsi qu’à ceux de ses épargnants futurs retraités et de ses investisseurs institutionnels. Nous participons nous aussi d’un « made in France » salvateur !
Propos recueillis par
Christophe Tricaud
Rédacteur en chef – pierrepapier.fr