En dépit d’une chute historique des transactions, la hausse des prix des logements anciens – mais aussi neufs – se poursuit. Mais pour combien de temps ? Pour de nombreux observateurs, le marché de l’immobilier résidentiel s’inscrit désormais dans une équation à de nombreuses inconnues…
Le dernier baromètre LPI-SeLoger en atteste : la hausse des prix de l’immobilier résidentiel « se poursuit sans s’affaiblir ».
Poursuite de la hausse des prix des logements neufs et anciens
Sur le segment des logements anciens, ils avaient augmenté, fin mai, de +5,1% sur un an glissant. Contre +3,6% l’an dernier à la même époque. La tendance est identique sur le segment des logements neufs. +3,3% sur un an glissant fin mai. Contre 2,2% l’an dernier. Le baromètre LPI-SeLoger observe également que les prix n’ont reculé, en mai, que dans 5% des villes de plus de 100 000 habitants. Leur progression se poursuit à un rythme élevé (plus de 10%) à Lyon, Nantes, Mulhouse, Besançon, Villeurbanne. La hausse est de l’ordre de 9% dans les grandes métropoles de l’Ouest. A Paris, « le ralentissement de la hausse amorcée durant l’automne 2019 se confirme », constate Michel Mouillart[1]. La progression des prix y reste néanmoins conséquente. Elle est de plus de 5,5% sur un an glissant. Dans la capitale, la valeur des biens situés dans les 11 arrondissements les plus cotés dépasse dorénavant les 11 000 €/m²…
Effondrement des transactions en raison du confinement
La revalorisation du secteur logement reste donc d’actualité, en dépit de l’effondrement des transactions. La chute des ventes observées pendant le confinement atteint en effet un niveau « jamais observé depuis la Libération ». Le recul de l’activité transactionnelle s’inscrit en effet à -82,9% en rythme annuel ! Depuis mai, la chute est moins brutale, en raison d’un rebond « technique » sur les ventes dans l’ancien. Mais elle restait supérieure à 50%. Cet apparent paradoxe entre chute des transactions et hausse des prix s’explique toutefois parfaitement. Pour le professeur Mouillart, chute de l’activité est en effet synonyme de raréfaction de l’offre. Elle alimente donc « les tensions sur les prix dans un contexte de pénurie ».
Cet apparent paradoxe entre chute des transactions et hausse des prix s’explique toutefois parfaitement. Pour le professeur Mouillart, chute de l’activité est en effet synonyme de raréfaction de l’offre. Elle alimente donc « les tensions sur les prix dans un contexte de pénurie ».
Hausse des prix alimentée par la contraction des crédits bancaires
La hausse des prix résulte également d’un autre phénomène : le durcissement des conditions d’accès au crédit imposé par les autorités monétaires. Les mesures prises en fin d’année dernière ont en effet provoqué une contraction de l’offre de prêts bancaires. Et une déformation du marché. Ce sont en effet les ménages les plus fragiles, ceux qui réalisent les opérations les moins bien disantes en termes de prix (au m² ou en valeur globale), qui ont été les plus nombreux, proportionnellement, à être évincés du marché. « Alimentant ainsi la persistance de la hausse des prix », explique Michel Mouillart.
Pas de changement de tendance sur les prix avant juillet
Mais pour combien de temps ? Les Notaires du Grand Paris, dans une étude parue fin mai, font le même constat que le baromètre LPI-SeLoger. Ils observent, sur le seul 1er trimestre 2020, un recul de plus de 20% des ventes de logements anciens. En raison d’un marché à l’arrêt durant le confinement. Mais en rappelant toutefois qu’un ralentissement « était déjà perceptible en février ». Ils constatent également la poursuite de la hausse des prix. Compte tenu de la dynamique engagée sur les avant-contrats, « les ajustements de prix attendus par de nombreux observateurs » n’interviendront pas immédiatement. Mais après « une période de latence ». Qui pourrait s’achever courant juillet 2020. Sur la probabilité et l’importance d’une correction, les notaires restent prudents. « Les évolutions des volumes de ventes finissent généralement, mais pas systématiquement d’ailleurs, par se refléter dans les évolutions de prix », rappellent-ils.
La question de la demande « solvable »
Il existe en effet des « facteurs de résistance à cette adaptation ». Particulièrement en Île-de-France, où l’offre de logements à vendre est faible. Reste donc la question de la reprise de la demande. Et d’une demande solvable… Les notaires pointent des facteurs structurels rassurants. Comme le besoin d’être « bien logé », qui reste tenace. Un besoin d’ailleurs exacerbé par la crise sanitaire. La pierre devrait donc « plus que jamais rester un projet de vie ». Encore faut-il que les ménages qui aspirent à la propriété en aient les moyens. Pour ce faire, les banques doivent maintenir « un accès au crédit fluide et bon marché ». Surtout, soulignent les Notaires du Grand Paris, « la mission de régulation des autorités monétaires sera essentielle dans cette période ». Un appel à peine voilé à un changement d’attitude de la part de la Banque de France et du HCSF…
Attentisme et report des projets
Les conséquences de la crise économique sur le pouvoir d’achat des primo-accédants constituent l’incertitude majeure. « L’attentisme et le report des projets immobiliers sont donc possibles », écrivaient les notaires en mai dernier. Depuis lors, les enquêtes d’opinion sont venues confirmer cette hypothèse. Selon un sondage OpinionWay pour Artemis Courtage, courtier en crédit immobilier, réalisé les 10 et 11 juin dernier, plus d’un tiers des Français ont prévu de reporter, voire d’annuler, leur projet immobilier. Deux tiers des sondés pensent toutefois que les prix ne baisseront pas du fait de la crise économique. Une bonne nouvelle pour les « déjà propriétaires ». Mais qui reste à confirmer.
Frédéric Tixier
[1] Michel Mouillart est professeur d’économie, FRICS et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger.
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