Fabrice Cousté – Les actions s’envolent, les prix de l’immobilier continuent à progresser. Malgré la crise économique. Comment expliquer ce phénomène ? N’est-il pas anormal de s’éloigner ainsi de la réalité économique ?
Guy Marty – Le phénomène que tout le monde commence à comprendre, c’est que s’il y a beaucoup d’argent, il doit y avoir de l’inflation. Or ce n’est pas possible vraiment sur les salaires, ni sur les prix. Donc l’inflation se déporte vers les actifs.
Prix du logement : actif de rareté !
Il faut bien comprendre que le logement est un actif de rareté. Le prix du logement n’a rien à voir avec le loyer, il n’a rien à voir non plus avec le revenu des ménages. C’est essentiellement le rapport entre le nombre de logements, et la population qui a besoin de se loger.
Évidemment, si ceux qui ne sont pas encore propriétaires peuvent acheter un logement, cela fait un mécanisme de rattrapage. De même, le logement est un marché dominé par les particuliers qui sont assez raisonnables, qui dérapent moins que les institutionnels. Mais en réalité, les prix du logement dépendent, en tant qu’actif de rareté, de la quantité d’argent. Donc ils sont soutenus, précisément par la situation actuelle.
Fabrice Cousté – Plus il y a d’argent dans le système, et plus les prix s’ajustent. Est-ce la même chose sur les actions, quand on voit des valorisations extraordinaires ? Par exemple Tesla, qui a un multiple de 1600 fois le bénéfices annuel ?
Les actions, actif productif, sont devenues actif de rareté
Guy Marty – Curieusement la Bourse fait la même chose que le logement, alors que normalement c’est un actif productif. La valorisation des actions vient de la création de richesse par les entreprises, c’est le lien avec l’économie réelle. Mais avec la quantité d’argent, la Bourse elle-même, les actions deviennent un actif de rareté.
Et ça, c’est phénoménal. Ce phénomène est d’ailleurs à l’œuvre depuis 2008. Il annihile les méthodes traditionnelles de valorisation, qui se basent sur un multiple du bénéfice. Le prix d’une entreprise, c’est par exemple 10 ou 20 fois le bénéfice des prochaines années. Tesla, avec un multiple de 1 600, devra vraiment exploser en termes de bénéfices pour couvrir son prix d’acquisition… Mais ce n’est plus le critère aujourd’hui. La Bourse est devenue un actif de rareté. Donc elle dépend de la quantité d’argent.
Vers une forte volatilité
Fabrice Cousté – On le comprend, ce qui est rare est cher, mais que doivent en conclure ceux qui nous écoutent ?
Guy Marty – Concrètement, cela signifie qu’il faut arrêter de penser que « tout cela n’est pas sérieux ». C’est comme ça. Et cela le restera tant que les banques centrales et les gouvernements auront décidé de maintenir une politique de beaucoup d’argent et de taux bas. Il faut vivre avec, cela peut durer 6 mois, ou 10 ans. Mais il faut savoir que pour les actifs qui ont décroché de l’économie réelle, la volatilité peut être très élevée. La Bourse par exemple pourra connaître des chocs, des – 5, – 10, -20 %, sur une tendance de toute façon à la hausse.
Pour la Bourse, il faut aussi mentionner autre chose. Il y a une économie qui se prépare pour le rebond. Un jour elle prendra le relais… mais pas avec des rapports cours sur bénéfice de 100, 200 ou 300 comme on le voit aujourd’hui.
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