L’IEIF vient de publier une étude détaillant les stratégies d’allocation des OPCI grand public. Ces véhicules pèsent aujourd’hui près de 15 Md€ de capitalisation. S’ils ont franchi avec succès leurs dix premières années d’existence, de nouveaux défis les attendent. Explications avec Stéphanie Galiègue, Directrice de la Recherche et des Études de l’IEIF.
Pierre Papier – Au 3e trimestre, les OPCI dits « grand public » ont enregistré une collecte en retrait par rapport aux trimestres précédents. Comment l’expliquez-vous ?
Stéphanie Galiègue – Les OPCI n’ont effectivement collecté que 386 M€ au cours du 3e trimestre 2018. Il faut remonter au 4e trimestre 2014 pour retrouver un si faible niveau de souscriptions (339 M€). Les causes de ce ralentissement sont liées à la prudence de certaines compagnies d’assurance qui, compte tenu de l’atteinte de leur allocation cible, sont amenées à limiter l’exposition immobilière de leurs portefeuilles. Je rappelle en effet que les souscriptions en OPCI sont principalement effectuées via des contrats d’assurance-vie…
Pierre Papier – Quel impact cela a-t-il sur les investissements réalisés par les OPCI en 2018 ?
Stéphanie Galiègue – Le ralentissement de la collecte se traduit effectivement par une baisse du niveau des acquisitions réalisées par les OPCI grand public. Selon CBRE, ces derniers ont investi 497 M€ au cours des neuf premiers mois de l’année. Cela ne représente que 40% des investissements réalisés sur l’ensemble de l’année 2017. L’investissement net (acquisitions moins cessions) des OPCI reste néanmoins positif, de l’ordre de 440 M€ en cumulé fin septembre. On peut d’ailleurs signaler des opérations importantes, comme l’acquisition pour 25,8 M€ d’un portefeuille de commerces en pied d’immeuble de centre-ville à Madrid et à Saint-Sébastien par Swisslife Dynapierre, un OPCI géré par Swiss Life REIM France. Si les OPCI restent majoritairement investis dans l’Hexagone, je rappelle que 43% de leurs actifs sont néanmoins placés hors de France, avec des destinations privilégiées, telles que l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, la Finlande ou encore l’Autriche.
Pierre Papier – L’IEIF vient par ailleurs de publier une étude sur les stratégies d’allocation des OPCI grand public. Quels en sont les principaux enseignements ?
Stéphanie Galiègue – Nous avons procédé à une analyse complète du patrimoine des OPCI grand public, qui fêtent cette année leurs dix ans d’existence. L’étude couvre donc à la fois la poche immobilière directe détenue par ces fonds (57% de leurs encours), mais également leurs avoirs placés en actifs financiers, à sous-jacents immobiliers, ou non. Plusieurs tendances se dégagent. Premièrement, les OPCI ont fait des choix implicites d’allocation immobilière sectorielle et géographique, assez différents de ceux constatés chez les autres investisseurs institutionnels. Ces choix sont en outre spécifiques à la poche d’investissement. Les OPCI sont, par exemple, très exposés au secteur des bureaux dans leur poche immobilier physique (66%). A l’inverse, celui du commerce domine (36%) dans leur poche immobilier coté. Enfin, et surtout, il apparaît que ces choix d’allocations, au sein de chacune de leurs classes d’actifs, ont eu en moyenne un impact positif sur leurs performances…
Pierre Papier – L’étude met toutefois en garde contre certains risques, notamment opérationnels, qui menacent les OPCI au cours des prochains mois…
Stéphanie Galiègue – Nous avons effectivement souligné plusieurs points d’attention. Certains sont liés à l’évolution de leurs marchés sous-jacents, comme des risques de perte en capital sur l’immobilier coté, ou la question du rendement sur la poche financière. D’autres dépendent effectivement de la capacité opérationnelle des OPCI à s’adapter à leur environnement, caractérisé à la fois par un contexte économique moins porteur, et à la nouvelle stature de leurs investissements. Les OPCI vont notamment devoir se doter de moyens adaptés à la gestion de portefeuilles de plus en plus internationaux, et d’outils leur permettant de gérer plus efficacement le couple rendement /risque de leur niveaux d’exposition…
Propos recueillis par Frédéric Tixier
A propos de Stéphanie Galiègue
Stéphanie Galiègue est Directrice de la Recherche et des Études de l’IEIF. Elle dispose de plus de 20 ans d’expérience en matière d’analyse de données, de performance et de risque pour le compte des investisseurs institutionnels dans le domaine de l’immobilier et de la finance. En 2005, Stéphanie Galiègue rejoint IPD France comme Directrice des Etudes et de la Recherche avant d’être promue Directrice générale adjointe quelques mois plus tard. En 2011, elle devient Directrice générale d’IPD France & Europe du Sud et Administratrice. Elle a débuté sa carrière chez Axa Investment Managers Paris en 1996, où elle a développé une expertise particulière en matière d’analyse de performance et de risque, avant de rejoindre CDC Ixis Asset Management en 1999. En 2001, elle est devenue chez Deloitte, responsable de la ligne de service Reporting et Attribution de performance dans le pôle dédié à l’assistance aux sociétés de gestion. Stéphanie Galiègue est diplômée d’HEC, majeure Finance et membre du Cercle des Femmes de l’Immobilier.
A propos de l’IEIF
Créé en 1986, l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière est un organisme d’étude et de recherche indépendant qui met à disposition des décideurs immobiliers des outils de veille, d’analyse et de prévision. Il a pour vocation d’être un incubateur d’idées pour la profession et un cercle de réflexion des professionnels de l’immobilier et de la finance. L’IEIF s’articule autour de quatre pôles d’activité : les marchés immobiliers (Tertiaire et Logement) ; les fonds immobiliers non cotés (SCPI-OPCI) ; les fonds immobiliers cotés (SIIC-REITs) ; le Club Analyse et Prévision.