La crise coronavirus a mis à l’arrêt bon nombre de secteurs. Y compris et notamment l’immobilier. Dans les services, la continuité de l’exploitation est en partie possible grâce à la digitalisation d’une partie des processus. En partie seulement. La technologie blockchain constitue-t-elle une solution ? Oui, répondent deux experts de ConsenSys, Matthieu Bouchaud, Product Manager chez ConsenSys Codefi, et David Poupardin, responsable développement stratégique chez ConsenSys.
En quoi la crise actuelle interroge-t-elle la technologie blockchain ?
B. et D. P. – La crise que nous vivons actuellement est intéressante à étudier. Elle entraîne la mise en place de mesures exceptionnelles d’urgence à travers le monde. Notamment de la part des banques centrales. Ces mesures ont pour objectif de limiter les effets négatifs de la crise sur notre économie. C’est le cas, par exemple, du gel des rachats d’actions et des dividendes à l’échelle mondiale. Ou de l’accord de prêts garantis par le gouvernement aux petites et moyennes entreprises, titrisés et refinancés par les banques centrales. Ou bien encore de la canalisation de la liquidité afin d’empêcher les chaînes d’approvisionnement mondiales de s’effondrer. Mais l’implémentation de ces mesures pose de nombreux problèmes de coordination. Nous pensons que ces actions pourraient être mises en place de manière plus simple. Si l’infrastructure commerciale et financière mondiale décidait de reposer sur une infrastructure blockchain plus efficace, décentralisée et résiliente.
De quelle manière ?
B. et D. P. – Dans les bases de données électroniques d’aujourd’hui, toute information peut théoriquement être reproduite à volonté. C’est pourquoi la plupart des gouvernements autorisent exclusivement les acteurs réglementés à tenir le registre des investissements numérisés. Pour éviter certains écueils, tels que l’exécution de transactions trompeuses ou la création d’actifs artificiels. Avec la blockchain, ces pièges peuvent aussi être évités, et ce directement au niveau du code source de la technologie. Qui est disponible et vérifiable pour tous les membres du réseau. De plus, la création d’Ethereum a permis un réseau blockchain capable de produire des «contrats intelligents». Lesquels, une fois programmés, peuvent s’exécuter automatiquement sans que les résultats soient modifiés ou manipulés. En effet, contrairement à ce que certaines critiques soutiennent, le potentiel de la blockchain n’est pas la création d’un espace libre et non réglementé dans lequel chacun peut inventer de nouveaux instruments financiers.
Quel est donc le potentiel de la blockchain ?
B. et D. P. – Son potentiel réside plutôt dans la création d’une infrastructure commerciale et financière beaucoup plus efficace et mondialisée. Dans laquelle de nombreuses couches de contrôle et d’intermédiation ne sont plus nécessaires. Car elles auront été remplacées par des règles informatiques transparentes et immuables qui assurent les mêmes fonctions de gestion des risques
La crise a aussi mis en exergue certains manquements dans la chaîne transactionnelle immobilière. Notamment chez les notaires…
B. et D. P. – Une grande partie des services de l’administration étaient, jusqu’à présent, entièrement bloqués. Tous les systèmes qui requièrent l’utilisation du papier sont à l’arrêt, pour des raisons sanitaires évidentes. C’était le cas pour les services de publicité foncière et de dépôts des permis de construire. La fermeture d’une partie des études notariales n’est donc qu’une partie du problème. Beaucoup d’entre elles sont capables de traiter les transactions de manière digitale. Mais ces dernières nécessitaient l’établissement d’une procuration supposant un contact physique. On sent bien que les processus de digitalisation n’étaient pas allés au bout du raisonnement. Au regard des différentes solutions numériques de communication à distance disponibles, comment expliquer qu’un notaire n’était pas en mesure de signer un acte authentique en visioconférence devant les parties ? Ce point a fort heureusement été corrigé par l’ordonnance du 3 avril dernier. Nous espérons que cette mesure perdurera.
Qu’en est-il pour les sociétés de gestion d’actifs immobiliers ?
B. et D. P. – Le plan de continuité d’activité des sociétés de gestion a lui aussi été mis à l’épreuve. Les solutions de dématérialisation ont souvent été créées sans prendre en compte certaines problématiques. Comme, par exemple, la nécessité pour les collaborateurs d’accéder à distance à leurs serveurs, en toute sécurité. C’est une chose de permettre la souscription/vente à distance aux investisseurs. C’en est une autre, plus complexe, que de permettre le traitement et le fonctionnement complet d’un fonds immobilier, entièrement à distance. Le secteur de la pierre-papier pourrait profiter de cette révolution pour changer de nom… Et peut-être s’engager dans une modernisation plus radicale. Les sociétés de gestion d’actifs immobiliers sont vectrices d’innovation. Elles ont déjà initié, ainsi que certains de leurs distributeurs, des modifications fondamentales dans la façon d’investir. En se concentrant, notamment, sur une expérience client enrichie.
Quels enseignements le secteur immobilier doit-il tirer de la crise actuelle ?
B. et D. P. – Le marché de l’immobilier va chercher à identifier les causes des problèmes auxquels il a dû faire face. Et tenter de pallier ces différentes inefficacités. Comme il l’a fait pour les SCPI, en 1993, lors de la crise de liquidité. Des nouvelles façons d’interagir avec les clients seront mises en place. Et les solutions digitales reposant sur une infrastructure blockchain s’imposeront tout naturellement. En raison de qualités supérieures aux systèmes actuels. Telles que la décentralisation, la sécurité, les possibilités d’automatisation sans limites, et le faible coût d’utilisation et de maintenance de cette technologie. La crise a révélé l’importance de la dématérialisation. Et la nécessité d’utiliser des solutions intégrées permettant de faire fonctionner une entreprise, entièrement à distance, de bout en bout. C’est d’ailleurs l’ambition de certaines solutions de gestions d’instruments financiers – notamment de parts de fonds immobiliers-, aujourd’hui disponibles, comme Codefi Assets…
Propos recueillis par Frédéric Tixier
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A propos de ConsenSys(i)
ConsenSys est une entreprise de logicielle blockchain qui construit des infrastructures, des outils et des produits pour les institutions, les entreprises et les développeurs sur le réseau Ethereum. Depuis 2014, ils ont tokenisé des milliards de dollars d’actifs numériques, dont une large gamme de produits de consommation, de stablecoins, d’immobilier et d’instruments financiers. Leurs produits –MetaMask, Codefi, PegaSys et Infura– sont utilisés par des centaines de milliers d’utilisateurs. En tant que studio de production d’Ethereum, ConsenSys a initié plus de 100 entreprises avec plus de 100 M$ d’investissement depuis 2016. Leur mission est de construire une base plus fiable pour débloquer de nouveaux modèles commerciaux, gagner en efficacité grâce à une infrastructure informatique partagée et utiliser des méthodes cryptographiques modernes pour protéger les données privées des utilisateurs.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société