Daniel While, Directeur Recherche et Stratégie d’Euryale, analyse l’état des marchés immobiliers. Il détaille les caractéristiques de l’immobilier de santé en Europe et en Amérique du Nord. Et rappelle les conditions d’une reprise de la collecte sur le marché des SCPI. Interview.
Frédéric Tixier – Une première question, sur l’environnement économique actuel : le moment est-il plus propice aujourd’hui pour investir dans l’immobilier qu’il y a quelques mois ?
Début d’un « dégel » du marché immobilier ?
Daniel While – La réponse est oui. J’aurais tendance à décrire la situation actuelle comme le début d’un « dégel » du marché immobilier. Nous venons de connaître deux années marquées par une forte compression des volumes d’investissement, les investisseurs ayant adopté une posture très attentiste. Autrement dit, ils ont préféré patienter, plutôt que de vendre à perte. Une approche donc assez conservatrice. Aujourd’hui, certes, les taux courts, ceux de la BCE, amorcent une baisse. Mais ce sont surtout les taux longs, les taux obligataires, qui jouent un rôle clé pour l’immobilier. Ce sont eux qui fixent, en quelque sorte, le niveau de rendement à dépasser pour que l’immobilier conserve son attractivité.
Frédéric Tixier – Précisément, la baisse des taux longs est moins marquée que celle des taux courts. Cela ne constitue-t-il pas un frein pour l’immobilier ?
L’immobilier va-t-il progressivement retrouver son statut de valeur refuge ?
Daniel While – On assiste, selon moi, à une convergence des taux longs autour de 3,2%. L’OAT à 10 ans se situe actuellement dans ces niveaux-là. Mais il faut également prendre en compte le retour de la volatilité sur les marchés boursiers. L’immobilier a traversé une période difficile, notamment en 2023-2024, alors que les placements financiers affichaient quant à eux des performances très élevées. Aujourd’hui, le contexte géopolitique entraîne une instabilité croissante sur les marchés. On peut donc espérer que l’immobilier retrouve progressivement son statut de valeur refuge. Cela dit, comme vous le soulignez, la baisse des taux longs est moins marquée que celle des taux courts. C’est pourquoi je parle de dégel, et non de rebond. Mais la tendance est clairement orientée vers une reprise, sans doute à des niveaux plus modérés, dans les six à douze mois à venir.
Stabilisation des valeurs d’expertise ?
Frédéric Tixier – Intéressons-nous maintenant aux valorisations des actifs immobiliers. On a l’impression qu’elles se stabilisent. Qu’en est-il plus spécifiquement des valeurs d’expertise dans le secteur de la santé ?
Daniel While – Si l’on observe les autres classes d’actifs, on constate des baisses très significatives, souvent à deux chiffres, dans les segments cycliques comme le bureau ou la logistique. Ces secteurs avaient connu une forte inflation entre 2020 et 2023. En ce qui concerne l’immobilier de santé, les valeurs d’expertise ont diminué d’environ 5 % sur les deux dernières années, ce qui reste relativement modeste. Aujourd’hui, ces valeurs apparaissent stabilisées, du moins selon notre analyse chez Euryale.
Résilience du secteur de l’immobilier de santé ?
Frédéric Tixier – Raison pour laquelle on parle de résilience du secteur ?
Daniel While – Oui. Et cette résilience est d’autant plus remarquable que le secteur a traversé deux crises successives : celle du COVID et celle liée à la hausse des taux. Elle s’explique notamment par la durée des baux. Chez Euryale, nous avons en moyenne des baux avec quinze années résiduelles. Une telle durée revient à nouer une relation de long terme avec l’exploitant. C’est donc la solidité financière de ce dernier qui détermine en grande partie la valeur de l’actif immobilier. Cela constitue un mode de fonctionnement différent de celui d’autres classes d’actifs immobiliers. Et explique pourquoi le secteur a mieux résisté que d’autres à la hausse des taux.
En quoi l’immobilier de santé en Amérique du Nord diffère-t-il de l’immobilier de santé européen ?
Frédéric Tixier – Euryale s’est imposé avec Pierval Santé, une SCPI qui investit en France et en Europe. Vous vous apprêtez à déployer une SCPI qui ciblera notamment l’immobilier de santé en Amérique du Nord. En quoi les actifs de santé nord-américains diffèrent-ils, en termes de typologie ou de rendement, des actifs d’immobilier de santé européens ?
Daniel While – Le marché américain de l’immobilier de santé – et plus largement celui de l’Amérique du Nord, incluant le Canada – est effectivement très différent. Aux États-Unis, la présence du secteur privé est beaucoup plus marquée. On estime que le court séjour est assuré à 80 % par des opérateurs privés, et le long séjour à 90 %. Le paysage est donc dominé par des acteurs privés, souvent à but lucratif.
Un bon timing pour investir aux Etats-Unis et au Canada…
Frédéric Tixier – Cela signifie-t-il que le niveau de sécurité est moindre pour le bailleur ?
Daniel While – Pas nécessairement. Ce n’est pas parce qu’un locataire est public que le bail est plus sûr. En Europe, nous sommes déjà sur des modèles privés : on n’achète pas des hôpitaux publics, mais des cliniques privées. En revanche, aux États-Unis, le marché est plus profond, avec une plus grande diversité d’acteurs privés. De plus, la hausse des taux y a été plus brutale qu’en Europe, ce qui a entraîné des ajustements de valorisation plus marqués.
Frédéric Tixier – En somme, c’est donc le bon moment pour acheter en Amérique du Nord…
Daniel While – Oui, tout à fait. Il existe aujourd’hui un point d’entrée intéressant sur ce marché. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls en France à avoir identifié cette opportunité.
Les conditions d’un retour de la collecte sur les SCPI ?
Frédéric Tixier – Revenons sur le marché français. La collecte des fonds immobiliers, y compris celle des SCPI, demeure très en retrait par rapport aux sommets atteints il y a trois ans. Quelles seraient les conditions d’une reprise significative de cette collecte ?
Daniel While – Il y a plusieurs conditions structurelles. Tout d’abord, la reprise du crédit. Nous approchons sans doute d’un point d’inflexion, car les taux de crédit deviennent plus compatibles avec un effet de levier, même une fois la marge bancaire intégrée. Ensuite, il faudrait que les banques recommencent à financer activement les SCPI. Un autre relais potentiel pourrait être l’assurance-vie. Enfin, et c’est essentiel, les SCPI doivent reconquérir leur statut de valeur refuge parmi les placements disponibles. Cela devrait se faire progressivement, au fur et à mesure que la volatilité sur les autres marchés se confirme.
Propos recueillis le 24 juin 2025
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A propos d’Euryale(i)
Créée en 2009, Euryale est une société de gestion de portefeuille d’actifs immobiliers. Premier acteur à s’être positionné sur l’immobilier de santé, Euryale est l’un des principaux investisseurs mondiaux sur le secteur de la santé, avec une capitalisation de 3,3 milliards d’euros. Ses 258 actifs ciblent essentiellement le secteur de la santé (établissements d’hébergement pour personnes âgées et handicapées, cliniques, maisons médicales, laboratoires, actifs liés à la recherche, au « Life Sciences »…) et sont répartis à travers neuf pays (France, Royaume Uni, Allemagne, Italie, péninsule ibérique, Canada…). Euryale gère la SCPI Pierval Santé, labellisée ISR en 2023, et la SC Trajectoire Santé. A travers ses deux véhicules, la société privilégie une approche patrimoniale à la fois créatrice de valeur et à impact sociétal positif, tout en intégrant les enjeux ESG dans l’ensemble de ses processus d’investissement et de gestion.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.