« Les foncières abordent les turbulences dans de biens meilleures conditions qu’en 2008 »
Laurent Gauville est gérant du fonds IMMOBILIER21 dont l’encours atteint 55 millions d’euros. En termes de performance avec un repli limité à 14,6 % (contre – 17,9 % pour l’indice IEIF net réinvesti) le fonds IMMOBILIER21 obtient la 2ème place des fonds immobiliers zone euro en 2011. La troisième place sur 2 ans et la première place sur 3 ans.
1/ Quel bilan tirez-vous de l’année 2011 pour les sociétés d’investissement immobilier cotées foncières ?
L’année 2011 aura été bipolaire sur le plan boursier pour les foncières cotées. Au premier semestre le contexte est favorable. On constate une baisse des taux de vacance et le retour à une croissance modérée des chiffres d’affaires du commerce. Ces éléments rassurants sont étayés par les faibles livraisons de bureaux neufs ou restructurés. Ce retour de la confiance favorise la hausse du secteur au premier semestre.
Au second semestre, si les données immobilières du secteur (loyers, taux de vacance, ANR) demeurent stables la tendance boursière se renverse brutalement. Les inquiétudes sur la solidité de la croissance économique ressurgissent parallèlement à l’éclatement de la crise de la dette qui gèle la reprise. Dans ce contexte, la forte récurrence du secteur et la forte progression des indices de loyers de bureaux et de commerce publiés à l‘automne passent un peu inaperçu alors qu’elles sécurisent les revenus 2012 des SIIC.
On peut résumer 2011 en disant qu’au premier semestre ce sont les comptes de résultats qui ont fait les bilans, tandis qu’au second ce sont les bilans qui feront les résultats.
2/ Comment les foncières cotées abordent-elles la crise ?
A coup sûr les sociétés foncières abordent les turbulences actuelles des marchés financiers et une conjoncture économique dégradée dans de biens meilleures conditions qu’en 2008. Leur valeur d’actif s’étant ajustée de 10 % sur ce qu’elle était il y a trois ans et leurs loyers ayant baissé de 15 % elles abordent la crise en bas de cycle du prix des loyers de l’immobilier tertiaire où se concentre leur patrimoine.
Chez Gestion21 nous distinguons deux groupes. Les sociétés faiblement endettés (moins de 40 % de leur valeur d’actif) pourront bénéficier des opportunités de la crise en rachetant de beaux actifs vendus par des acteurs contraints de céder une partie de leur patrimoine pour rééquilibrer leur bilan. De l’autre côté les sociétés endettées (+ de 50 %) seront contraintes par des conditions de financement plus tendues qui les conduiront à des arbitrages tout en obérant leur faculté d’investissement. A noter que les sociétés peu endettées pourront saisir l’opportunité de racheter leurs actions parce que les cours de Bourse laissent apparaître de forte décote sur leur actif net réévalué.
Quant aux perspectives pour l’année 2012, je reste confiant. Dans un contexte de faible visibilité macro, l’immobilier offre au contraire une très forte visibilité. La forte récurrence structurelle des foncières et la forte progression des derniers indices d’indexation publiés sont des atouts car elles pérennisent le rendement actuel du secteur de 7%, niveau historiquement élevé en absolu, en relatifs par rapport aux autres classes d’actifs de rendements. De plus le niveau historiquement élevé de la décote, 45% sur les ANR de reconstitution intègre une baisse anticipée des valeurs d’actifs supérieure à celle observée en 2008-2009. Rendement élevé et forte décote peuvent s’interpréter comme une opportunité, y compris une opportunité d’arbitrage avec le marché physique et au pire une protection dans l’attente d’une amélioration de la visibilité macro.
3/ Quels sont vos critères privilégiés d’investissement dans une SIIC ?
Il n’y a pas de gérants talentueux, il n’y a que des gérants disciplinés ! Nos critères d’investissements sont stables. Nous cherchons d’abord à nous faire une opinion sur la qualité du patrimoine immobilier et du management de la foncière. Ensuite nous procédons à une analyse de sa valorisation boursière. La détermination des cash-flow (flux de trésorerie dégagé par l’exploitation) constitue la mesure clé de cette valorisation. Nous la préférons au calcul de l’actif net réévalué (ANR). Enfin nous procédons à l’analyse du risque sous ces deux composantes que sont les taux de vacances futures et la notion d’intérêts critiques qui permet de cerner les coûts de financement compatibles avec les revenus tirés du patrimoine de la foncière. L’avenir des foncières passe par une bonne gestion actif/passif.
Ces critères conduisent à avoir un portefeuille majoritairement investit dans les centres commerciaux de la zone euro (53%) et de privilégier le marché des bureaux Parisien dans l’allocation géographique bureaux du portefeuille (31%). Le logement ne représente que 3% du portefeuille. Unibail, Klépierre, Icade et Silic sont de ce fait les principales lignes du portefeuille du fonds.
4/ Les opérations de changement de contrôle en cours (FPF, Silic) se font avec une décote sur la valeur d’actif net ? Est-ce une nouvelle donne à prendre en compte au moment où débute la consolidation du secteur ?
Les derniers changements de contrôle se sont effectués entre la valeur d’ANR de liquidation et celle d’ANR de reconstitution. Juste avant l’été la cession d’Eurosic est intervenu sur la base de l’ANR de liquidation. L’offre en cours de PHRV visant Foncière Paris France se fait par contre avec une décote de près de 30 % sur l’ANR escompté par les dirigeants de cette SIIC à la fin 2011. C’est un signal peu favorable au développement de ce compartiment boursier, mais à ce stade il convient de relativiser cette offre qui concerne une valeur moyenne dont les titres souffraient d’une faible liquidité.
5/ Craigniez-vous une remise en cause du statut de transparence fiscale des SIIC ?
En ces temps de rigueur il est normal que le gouvernement cherche à remettre en cause les niches fiscales de faible efficacité économique. Le statut SIIC, par contre, a été classé par l’inspection générale des finances comme un régime fiscal particulièrement intéressant pour l’intérêt général. Outre la fiscalité d’entrée des sociétés qui ont choisi ce statut, les importants dividendes des SIIC donnent lieu à une imposition de droit commun. En outre les apports d’immeubles d’acteurs industriels et commerciaux ont permis la réanimation du compartiment immobilier de la Bourse en offrant à celui-ci son principal succès des dix dernières années : le compartiment boursier français des foncières est devenu le premier d’Europe par la capitalisation (près de 50 milliards d’euros) Cela devrait suffire à limiter les tentations de remise en cause du statut de transparence fiscale dont bénéficient les SIIC. D’autant que ce type de régime fiscal s’est aujourd’hui répandu dans de nombreux pays, notamment en Europe. Sacrifier le régime SIIC français risquerait d’entraîner un sérieux désavantage des acteurs nationaux face à leurs concurrents dont le statut leur permettrait de venir concurrencer les français sur leurs pré carré.
Propos recueillis par Christophe Tricaud