« Pour parvenir à nos objectifs environnementaux , il faut les faire partager aux « property » et au locataire »
Dans le premier bilan dressé par le directeur de l’immobilier de Perial, un des plus importants gérants indépendants de SCPI, Jean-Christophe Antoine, son directeur immobilier, constate que le verdissement des immeubles suppose une adhésion de toutes les parties prenantes. Après avoir travaillé sur les immeubles, il faut selon lui modifier les pratiques des occupants et adapter le fonctionnement des immeubles aux objectifs poursuivis. Pour cela, il est nécessaire de lier les bonnes pratiques environnementales à l’intéressement versé aux salariés.
Pourquoi avoir placé l’environnement au centre de la stratégie des fonds de Perial AM ?
Lorsque nous avons réfléchi au lancement d’un nouveau fonds dès 2008, nous avions l’intuition que la prise en compte des données environnementales allaient changer le modèle économique et la gestion de l’immobilier. Notre SCPI PFO2 est née un an plus tard, lors de la mobilisation générale du Grenelle de l’environnement. Au même moment les premières études sur l’impact des immeubles sur leur taux d’occupation ont été publiées en Grande-Bretagne et au Canada qui venait valider notre intuition dont nous n’avions pas encore pris toute la mesure des contraintes et des potentialités.
Comment Perial a-t-il intégré cette dynamique ?
Perial a souhaité profiter de cette nouvelle donne en privilégiant une solution simple qui respecte la contrainte d’une distribution régulière de revenus aux associés et une valorisation à long terme des actifs du fonds. L’enjeu pour nous était de bâtir un équilibre entre la performance environnementale et la performance financière.
Quelle a été votre démarche ?
La première réflexion simple a été alimentée avec 50 audits environnementaux réalisés avec Veritas, financés pour moitié par l’ADEME sur nos SCPI historiques, PF1, PFO et sur PFO2 en établissant une analyse environnementale complète. Nous avons alors mieux cerné la technicité de la problématique. Ce qui nous a amené à créer un service développement durable avec à sa tête un ingénieur, Benjamin Mercuriali assisté d’un « energy manager ». Avec eux nous avons définis des objectifs clairs et pragmatiques. A ce stade il nous est apparu comme une évidence que nos réflexions et nos efforts ne devaient pas seulement porter sur des immeubles neufs et certifiés, mais intégrer notre démarche sur l’ensemble des immeubles de bureaux anciens. Ceux-ci présentent des handicaps qu’il nous faut prendre en compte s’ils sont loués ou, lorsqu’on les achète, intègrer le prix des travaux de mise à niveau pour que le prix d’achat en incluant les travaux à faire offre un rendement immobilier compatible avec nos attentes. Les immeubles neufs présentent également un handicap si on intègre « l’énergie grise » de leur construction qui n’est pas vertueux pour l’environnement. Bien sûr tout cela ce sont des calculs théoriques, il y a des dérives dans la réalité.
Conformément au Grenelle de l’environnement, mais avec le dessein de faire mieux, nous avons fixé un objectifs de consommation d’énergie primaire de 150 à 200 KWH par mètres carré et par an et de 45 litres d’eau par personnes et par jour. Sur la question des déchets nous avançons sur la qualification de nos objectifs.
Les premières actions engagées ont visé 50 locataires. Avec eux nous avons tenté de définir de quelles consommation on parlait et on a retenu la consommation réelle (parties communes et parties privatives incluses). Il est vite apparu que les diagnostics DPE n’étaient pas fiables pour servir de base à nos efforts. Il y a eu un gros travail de recensement, avec notamment l’examen de toutes les factures sur deux années. Les locataires ont joué le jeu et nous avons eu 80 % de retour. Nous disposions enfin d’une cartographie de la consommation de nos locataires. La première est apparue en constatant des abonnements trop élevés, sans qu’ils soient justifiés par les besoins effectifs des occupants, qui en outre utilisaient mal leurs compteurs heures creuses/heures pleines.
Votre démarche a-t-elle été différente lors de la constitution du patrimoine de votre SCPI PFO2 ?
Avec le lancement de PFO2 nous avons pu mettre en œuvre une stratégie intégrant entièrement les enseignements de ces études. Très vite nous avons compris qu’il ne suffisait pas de se donner des objectifs quantitatifs mais que si voulions parvenir à des résultats tangibles et pérennes il fallait associer étroitement les « property manager » en charge de la gestion des immeubles et les occupants. C’est la clé du succès.
Pour nos investissements nous avons élaboré avec Veritas une grille de pré-acquisition comprenant 120 critères. Ils vont de la performance environnementale instantanée de l’immeuble au potentiel d’amélioration et aux côuts induits. C’est ainsi que PFO2 a acquis aussi bien des immeubles neufs que des immeubles anciens. Nous bénéficions de l’unicité de pensée des investisseurs qui veulent des immeubles neufs, loués avec des baux fermes et certifiés. Grâce à cela nous avons pu réaliser de bonnes affaires en prenant en charge un travail d’ « asset management » en réglant des problèmes juridiques et techniques pas toujours aisés. Par exemple changer la climatisation sur un site occupé. Ce type d’action suppose un travail d’explication avec le locataire. A Vélizy PFO2 a acquis à près de 1300 euros du m² un immeuble le long de l’A86 loué à 95 euros du m². Des travaux lourds (nouvelle façade notamment) pour 600 à 800 euros par m² sont à l’étude pour un objectif de loyer à 150 /160 euros du m². Il ne faut pas avoir peur des difficultés, elles écartent beaucoup de concurrents. L’acquisition de la compétence de l’environnement par Perial nous a permis des achats plus compliqués et nous fait avancer quotidiennement et nous permet d’être au contact des novations de cette nouvelle économie .
Comment les locataires ont-ils répondus à votre volonté de partager les objectifs de maîtrise environnementale ?
Comme je vous le disais, pour parvenir à nos objectifs, il faut les faire partager aux « property » et au locataire. Un guide de bonnes conduites environnementales a été édité pour les « property ». On a ensuite laissé un an aux « property » pour se les approprier. Et nous avons rompu avec ceux qui n’en étaient pas capables. Un an plus tard nous avons publié un guide de bonnes pratiques, cette fois destiné aux locataires. Parallèlement comme PFO2 a acheté des immeubles de plus en plus gros, nous avons remis aux occupants de ces immeubles un livret d’accueil comprenant un descriptif de l’immeuble et de ses équipements ainsi que de son fonctionnement pour qu’eux-mêmes s’approprient les gestes environnementaux. Pour tous ces arrivants un interlocuteur unique a été désigné chez Perial. Cependant nous mesurons les difficultés pour certains locataires à communiquer sur leur utilisation des immeubles qu’ils occupent, notamment sur le nombre de personnes travaillant dans l’immeuble et nous avons constaté que sur les annexes vertes accompagnant les baux, une pression de la part de locataires pour y voir figurer peu de contraintes les engageant.
Face à cette réserve de certains locataires comment avez-vous géré vos objectifs ?
Nous avons compris qu’il fallait respecter leur choix et ne pas empiéter sur la liberté du chef d’entreprise. Tous ne sont pas prêts à voir un écran de contrôle des consommations énergétiques dans le hall de leur immeuble. Mais nous pensons que les annexes des baux verts qui prévoient une clause de rencontre annuelle entre le locataire et le propriétaire seront de nature à faire évoluer les choses. Le verdissement des immeubles passe par l’enrichissement du dialogue avec les locataires et la maîtrise des immeubles par le propriétaire. Parler avec le locataire c’est aussi anticiper ses besoins et comprendre les efforts qu’il faudra faire si on désire le conserver au renouvellement de son bail. Après plus de 15 ans de financiarisation de l’immobilier, l’environnement offre une occasion aux propriétaires de se réapproprier leurs immeubles de mieux gérer les équipements techniques et d’offrir aux occupants un cadre de travail plus efficient et de travailler ensemble sur des améliorations constantes. En résumé, cela sert une politique client.
Notre démarche se veut pragmatique. D’abord l’intuition, ensuite si elle se confirme cela devient une conviction et on avance… Chaque point acquis peut permettre de rebondir sur autre chose. Parfois il arrive de constater qu’on fait fausse route. Ainsi au siège de Perial nous avons essayé la température des bureaux à 19 degrés. Cela n’a pas fonctionné. Par contre, nous sommes maintenant convaincus qu’il est nécessaire de lier les bonnes pratiques environnementales à l’intéressement versé aux salariés.
Propos recueillis par Christophe Tricaud
Rédacteur en chef pierrepapier.fr