Une étude internationale sur l’épargne pourrait apporter un éclaircissement sur les chiffres français ! Annamaria Lusardi est une économiste d’origine italienne, professeur à l’université américaine George Washington. Elle ne se soucie ni de patrimoine, ni de placements, ni de capital ou de revenus, ni d’impôt ou de crédit… Sa spécialité est de mesurer la culture financière de base des populations. Elle a conçu un test qui a fait plusieurs fois le tour de monde.
Pourquoi pensez-vous que les Français ont actuellement plus de 1 100 milliards d’euros sur des comptes bancaires ou sur des livrets d’épargne classiques ? Les rendements sont nuls ou presque. Les épargnants ne pourraient-ils se tourner vers des placements qui leur procureraient plus de revenu, ou de la progression en capital ? Pourquoi pas un peu plus de Bourse ou d’immobilier ? Ils sont capables d’épargner, sans aucun doute. Mais leur « literacy » financière, autrement dit leur culture financière, laisserait à désirer.
Le « test universel » pose trois grandes questions
À la base, des très nombreuses enquêtes statistiques du professeur Lusardi, un test « universel ». Pas de question sur l’assurance-vie ou sur l’immobilier, pas de question non plus sur les rendements des investissements ou sur la gestion de patrimoine, rien sur la fiscalité ou sur ce qu’on peut attendre de sa banque… Seulement trois questions tellement simples qu’elles peuvent être posées à tout âge, pour tous les niveaux d’éducation, dans tous les pays.
Voici les trois questions du test universel :
- Imaginez que vous avez 100€ sur un compte d’épargne et que le taux d’intérêt est de 2% par an. Après 5 ans, combien pensez-vous que vous aurez sur ce compte, si vous ne touchez pas à la somme déposée :
Plus de 102 €
Exactement 102€
Moins de 102€
Ne sait pas ? - Supposez que le taux d’intérêt sur votre compte d’épargne est de 1% par an et que l’inflation est de 2% par an. Après une année, que pourriez-vous acheter avec l’argent sur ce compte ?
Plus qu’aujourd’hui
Exactement la même chose qu’aujourd’hui
Moins qu’aujourd’hui
Ne sait pas - Vrai ou faux : “Acheter des actions d’une seule entreprise génère généralement un rendement plus sûr qu’un fonds commun de placement d’actions.”
Vrai
Faux
Ne sait pas
Source : Cashbee d’après GFLEC, Global Financial Literacy Excellence Center
Vous êtes surpris qu’une étude internationale à partir de ces questions puisse apporter des résultats intéressants ?
Évaluer les connaissances de base sur l’épargne
On comprend bien que ce test touche en réalité trois aspects majeurs dans le domaine des placements :
- Les intérêts, et en particulier les intérêts composés
- L’inflation et ses effets négatifs sur le rendement réel des placements
- Le bénéfice de la diversification en termes de sécurité
Il n’en reste pas moins que les réponses semblent évidentes à nos internautes… hélas, ce n’est pas ce qui ressort des résultats.
En 2011, dernière date de l’enquête en France, 48 % des Français ont répondu correctement à la première question. Donc il n’était pas clair pour tout le monde qu’un intérêt annuel faisait progresser peu à peu la valeur d’un placement au long des années… pensez-vous que cela se soit radicalement amélioré depuis, ou aurions-nous ainsi une explication au paradoxe des dépôts et livrets bancaires ?
Sur la façon dont l’inflation modifie le rendement réel, 61 % des Français ont bien répondu. Peut-être certaines chaînes d’information se trompent quand elles pensent se mettre au niveau de leur public…
Enfin, sur le fait de savoir s’il est bénéficiaire en termes de sécurité d’investir sur une seule entreprise ou sur plusieurs, 67 % des Français ont bien répondu. Maigre consolation, à la même période, les Japonais n’étaient que 40 %…
Il est vraisemblable qu’une nouvelle édition de cette étude en France donnerait de meilleures performances. Mais dans quelle mesure ?
L’étude sur la culture sur la culture financière apporte de nombreux éclairages
Le professeur Lusardi a pu mettre en lumière plusieurs corrélations intéressantes.
- Une meilleure « literacy » (on ne parle ici que de culture financière basique) est en relation avec de meilleures retraites dans les pays où celles-ci dépendent dans une plus grande mesure de la capitalisation.
- De même, de meilleures réponses au « test universel » correspondent à un meilleur usage du crédit. Y compris la capacité à renégocier un emprunt.
- L’âge a beaucoup à voir avec la qualité des réponses aux tests. Les jeunes ont plus de difficultés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Annamaria Lusardi a lancé de nombreuses initiatives pour améliorer l’éducation financière dès la scolarité.
- En revanche, il n’y a aucune corrélation entre le niveau d’études et la culture financière fondamentale. L’exemple le plus frappant est celui des professions médicales.
- Autre corrélation, la capacité à gérer des coups durs. Régler une facture inattendue de 100 € est plus problématique pour les personnes qui ont moins bien répondu aux trois questions.
- Et puis, terminons sur une note moins technique. Dans de nombreux pays les femmes répondent un peu moins bien que les hommes, mais sont plus honnêtes. Elles cochent plus facilement le « je ne sais pas »…
Voici les résultats de l’étude internationale sur la culture financière
- Imaginez que vous avez 100€ sur un compte d’épargne et que le taux d’intérêt est de 2% par an. Après 5 ans, combien pensez-vous que vous aurez sur ce compte, si vous ne touchez pas à la somme déposée : plus de 102 €, exactement 102€, moins de 102€, ne sait pas ?
- Supposez que le taux d’intérêt sur votre compte d’épargne est de 1% par an et que l’inflation est de 2% par an. Après une année, que pourriez-vous acheter avec l’argent sur ce compte ? Plus qu’aujourd’hui, exactement la même chose qu’aujourd’hui, moins qu’aujourd’hui, ne sait pas.
- Vrai ou faux : “Acheter des actions d’une seule entreprise génère généralement un rendement plus sûr qu’un fonds commun de placement d’actions.” Vrai, faux, ne sait pas.
Source : Cashbee d’après Financial times
Professionnels du patrimoine et des placements, que faire ?
Nos économistes et nos politiques peuvent se plaindre. L’épargne ne s’oriente pas assez vers l’économie réelle. Les Français se satisfont de rendements faibles plutôt que d’aller vers des investissements plus risqués, mais aussi potentiellement plus rentables ? La relève de la capitalisation est trop lente pour le financement de la retraite ?
« Flécher l’épargne » est peut-être une bonne idée, mais l’essentiel pourrait se trouver dans l’éducation financière. En attendant que l’école s’y mette enfin, les professionnels de la gestion de patrimoine ont un rôle à jouer. S’ils pensent à expliquer les bases !
Voir aussi :
Pourquoi les Français, champions du monde de l’épargne, ne sont-ils pas plus riches ?