L’époque où investir dans un local commercial était le gage de revenus passifs confortables est révolue. Pour préserver leur rentabilité, les bailleurs doivent en finir avec cette vision réductrice et linéaire entre chiffre d’affaires et loyer. En y ajoutant de nouvelles métriques, tels que le flux qu’ils permettent au commerçant de capter.
L’époque où investir dans un local commercial était le gage de revenus passifs confortables avec une période d’engagement longue est révolue. Les nouvelles dynamiques du commerce demandent aux enseignes et bailleurs de revoir les règles du jeu. Il faut désormais plus de flexibilité et une nouvelle approche de détermination de la valeur locative. Pour survivre à ce changement de paradigme et détecter de nouvelles poches de création de valeur…
L’immobilier commercial, un secteur en restructuration
Longtemps plébiscité comme l’actif le plus résilient de l’immobilier d’entreprise, l’immobilier commercial est entré dans une crise de confiance. Son nouveau surnom – « retail bashing » – fait de plus en plus écho dans la communauté des investisseurs spécialisés. La compression de sa part dans les volumes investis témoigne du phénomène de panique qui paralyse la sphère des investisseurs. De l’ordre de 22% à 25% entre 2009 et 2015, elle est passée ces 3 dernières années à… 13%. Un tremblement de terre dont l’épicentre est constamment élargi par un flot ininterrompu de nouvelles négatives.
Un flot ininterrompu de nouvelles négatives
L’écosystème du commerce, rien qu’en France, déverse en effet régulièrement des chiffres qui jouent en défaveur du commerce traditionnel. Ainsi en est-il avec:
- Le franchissement du seuil symbolique des 100 milliards d’euros de chiffres d’affaires du e-commerce en France en 2019[1]. Soit une augmentation de 80% en une décennie[2].
- L’augmentation du taux national de vacance des locaux commerciaux en centre-ville, de 7 à 12% en moyenne[3]. Ce phénomène de désertification est d’une telle ampleur que l’Etat a déclenché le programme « action cœur de ville»[4].
- Le démantèlement ou la fermeture de réseaux iconiques, majoritairement dans le secteur de l’habillement[5].
- La fragilisation de la trésorerie des commerçants suite au mouvement des Gilets Qui aurait entraîné une perte de chiffres d’affaires de 15% à 25% dans la grande distribution. Et de 20% à 40% dans le commerce de détail[6].
Une chute des investissements qui touche essentiellement les centres commerciaux
Cette chute des investissements est néanmoins à relativiser. En y regardant de plus près, ce sont en effet surtout les volumes en centres commerciaux qui ont baissé. Les autres classes d’actifs enregistrent de leur côté des volumes d’investissement records, ou qui restent corrects. Les analyses menées par certaines plateformes spécialisées en immobilier commercial, comme UnEmplacement.com, renforcent ce constat. Nous avons observé que sur plus de 120 000 recherches de locaux commerciaux provenant d’acquéreurs qualifiés, les centres-villes et la périphérie restent majoritairement recherchés. Ils représentent 66% de la demande totale. Les centres commerciaux (incluant les galeries commerciales d’hypers) sont sur la troisième marche du podium. Avec seulement 14% des enseignes qui souhaitent s’implanter dans ce type d’emplacement.
La fin d’un modèle économique
Cette désaffection pour les centres commerciaux[7] est le signe avant-coureur de la fin d’un modèle économique hérité des années 50. Où le « tout-commerce » était au cœur de la stratégie commerciale des opérateurs. Un modèle désormais obsolète, qui fait face à un changement de paradigme alimenté par les récentes évolutions socio-démographiques. Et la montée en puissance d’une nouvelle génération de consommateurs connectée et informée. Une génération qui, de plus, est écoresponsable, et qui rejette le modèle de consommation de masse de leurs aînés… Dans ce paysage en pleine transformation, les polarités commerciales doivent s’adapter. La taille n’est plus un avantage : « big is no more beautiful ». Le couple commerce de destination/voiture individuelle est fragilisé. La montée en puissance des livraisons à domicile alimente à son tour le phénomène de nidification auprès des jeunes générations.
Comment les enseignes s’adaptent et façonnent-elles le commerce de demain ?
Et les locomotives d’hier se réinventent en créant de nouveaux lieux de vies[8]. Là où le commerce est intégré à un écosystème immobilier global (coworking, bureaux, logistiques, logements). La cannibalisation du e-commerce sur le commerce physique pousse donc progressivement les enseignes à changer de comportement. Pour embrasser une stratégie « omnicanale », où le digital ne fait qu’un avec le commerce physique. Si elles souhaitent survivre, elles ne doivent plus considérer le magasin comme l’unique temple de la consommation. Mais bien comme le maillon d’un écosystème, permettant de capter l’attention de clients toujours plus difficile à fidéliser. Et dont le parcours d’achat est de plus en plus complexe à cerner. Ce changement de paradigme impose aux enseignes de repenser entièrement leur processus de vente. En adoptant les meilleures pratiques des pur players du web.
Allier expérience en magasin et « click & collect »
Mais aussi et surtout en l’alliant à l’expérience en magasin, via des conseils d’experts, un service « click & collect ». Le meilleur exemple est celui de la Fnac. Son site internet est classé dans le top 3 des sites e-commerce les plus visités en France. Cette puissance sur internet lui permet d’ouvrir des magasins dans des zones de 30 000 à 40 000 habitants, qu’elle ne couvrait pas jusqu’alors. L’ouverture de ces magasins permet d’augmenter le trafic internet au niveau local par trois. Et ainsi de toucher de nouveaux consommateurs. De leur côté, les pur players du web investissent également dans l’immobilier commercial, en ouvrant leur propre magasin.
Les pure players du web investissent l’immobilier physique
L’intérêt pour eux est multiple. Cette stratégie leur permet :
- De diminuer leur dépendance à l’algorithme des moteurs de recherches. Et surtout de leur modèle d’enchère basé sur des mots clés, qui est de plus en plus onéreux, mais reste indispensable.
- De créer un nouveau canal d’acquisition et de fidélisation client auprès d’une communauté locale. Donc d’augmenter leur notoriété dans le monde physique. L’avantage est de favoriser le « top of mind » auprès des consommateurs. Pour qu’ils se rendent directement sur le site internet, ou sur l’application du retailer, sans avoir à fouiller sur les moteurs de recherche.
- De réduire le coût du dernier kilomètre. C’est le plus difficile à rentabiliser via un maillage optimal de leurs points de vente. L’objectif est d’inciter le maximum de clients à venir chercher en magasin leurs achats effectués en ligne. Plutôt qu’à se faire livrer à domicile.
Le magasin physique n’est donc pas mort…
L’exemple le plus frappant est notamment celui du développement d’Amazon-Go. Un concept alimentaire de proximité sans caisse qui vise 3 000 unités aux Etats-Unis fin 2021. Ou bien celui des 22 boutiques du Slip Français. Ou des 16 boutiques de Saranza.com. Ou bien encore, dernièrement, la création d’une boutique de type « caviste » par Cdiscount (une filiale du groupe Casino) alliant la puissance de la data avec les conseils d’experts sur tous les types de spiritueux. Le magasin physique n’est donc pas mort et tel le Phoenix, renaît de ses cendres. Cependant, les efforts et investissements déployés par les enseignes alourdissent leur compte de résultats. Ils ne pourront donc pas survivre sans le concours des bailleurs pour ajuster les prix de l’immobilier
Un actif rentable, mais de plus en plus complexe à gérer
Après avoir longtemps résisté, les valeurs locatives ont amorcé un cycle de descente depuis les trois dernières années. Chute qui a été un temps compensée par la compression des taux de rendement. Mais dont l’effet n’est plus suffisant. Cette politique de l’autruche adoptée par les bailleurs face aux nouvelles dynamiques du commerce les a donc conduits progressivement dans une impasse. Un cul-de-sac dont ils ne pourront sortir sans changer en profondeur les règles de détermination de la valeur locative. Pour accompagner les mutations en cours, et non plus seulement les freiner. Ce qui revient à se battre contre un raz-de-marée. Pour sortir de cette crise par le haut, les bailleurs doivent changer leur mentalité en profondeur. Et ne plus raisonner de façon linéaire en déterminant leur loyer sur un pourcentage du chiffre d’affaires global du magasin, dont une partie conséquente est aujourd’hui générée sur internet
En finir avec la vision linéaire entre chiffre d’affaires et loyers.
Ils doivent en finir avec cette vision réductrice et linéaire entre chiffres d’affaires et loyer. En y ajoutant de nouvelles métriques, tels que le flux qu’ils permettent au commerçant de capter. Les outils de captation de la donnée permettent aujourd’hui de répondre à cette demande de façon précise et qualifiée via une segmentation fine de la donnée. Reste à la charge du commerçant de transformer ce flux en chiffre d’affaires. A cette nouvelle méthode de valorisation, s’ajoute le besoin de flexibilité. A l’image de l’explosion du coworking dans la sphère des bureaux. Dans le monde de l’immobilier commercial, l’émergence des pop-up stores amène de plus en plus de bailleurs à adopter une politique de revenu management tels des hôteliers ou des compagnies aériennes.
L’immobilier commercial est donc toujours un actif rentable
Les enseignes sont demandeuses de ce type de solutions afin de ne plus être tenues par une durée d’engagement trop lourde. Celle imposée par le bail commercial classique 3/6/9, dont les fondements juridiques datent de… 1953. L’intérêt principal pour les bailleurs de passer sur un bail éphémère est bien sûr d’augmenter le loyer au mètre carré. C’est le prix de la flexibilité. L’immobilier commercial est donc toujours un actif rentable. Toutefois, il est de plus en plus complexe à gérer. Et les investisseurs ont de plus en plus intérêt à se spécialiser dans une catégorie spécifique : retail parks, centre commerciaux régionaux, galerie d’hypermarché, pieds d’immeuble, outlet. Ainsi ils pourront capitaliser sur leur expérience, et optimiser leur allocation de ressources.
Aurélien Tert
[1] Source FEVAD.
[2] Le commerce en ligne représente aujourd’hui 8,5% du total des ventes du commerce de détail.
[3] Source PROCOS.
[4] Un plan national de 5 milliards d’euros pour revitaliser les centres-villes des villes moyennes.
[5] Groupe Vivarte, Mim, Promod, C&A…
[6] Selon le dernier rapport du ministère de l’Economie.
[7] Hypermarchés et ou zones commerciales.
[8] Programmes de « mixed-used ».
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A propos d’Aurélien Tert(i)
Profil atypique, Aurélien a eu un parcours professionnel en deux étapes : l’hôtellerie-restauration puis la data. C’est au cours de son expérience en tant que responsable Data Europe pour le groupe Domino’s Pizza qu’Aurélien rencontre Kevin Espiard, qui est à l’origine d’UnEmplacement.com. Grâce aux compétences techniques de Philippe Phak, le rêve devient réalité en avril 2018.
A propos de UnEmplacement.com(i)
UnEmplacement.com, c’est une aventure humaine qui a pour mission de rendre l’immobilier commercial transparent. Elle est née d’une frustration terrain ressentie quotidiennement pendant plus de 5 ans par Kevin en tant que chargé d’expansion pour les enseignes Body Minute puis Domino’s Pizza. C’est la rencontre avec Philippe et Aurélien qui a fait de ce rêve une réalité. Depuis 2015, nous avons non seulement pensé UnEmplacement.com en partant d’une feuille blanche comme alternative aux sites de dépôt d’annonces. Mais surtout optimisé pendant plus d’un an (bêta) les fonctionnalités de notre plateforme avec l’ensemble des professionnels de l’immobilier. Aujourd’hui, nous sommes fiers de leur offrir un outil qu’ils ont coconstruit. Et une solution concrète pour accélérer la commercialisation de leur portefeuille de locaux commerciaux et ou de terrains.
(i) Cette information est extraite d’un document officiel de la société