L’émission « La gestion de patrimoine dans tous ses états » s’intéresse aujourd’hui à l’investissement dans le logement. La hausse continue des prix peut-elle déboucher sur une crise ? Est-il toujours aussi opportun de devenir propriétaire. Ou d’investir dans le logement locatif ? Les réponses de Guy Marty, au micro de Fabrice Cousté, sur Radio Patrimoine.
Fabrice Cousté – Guy Marty, l’année 2018 a été une très bonne année pour le secteur du logement. 2019 fut une année exceptionnelle. Pour 2020, certains ont peur que la fête soit finie. Ont-ils raison ?
Guy Marty – Comment voulez-vous que je le sache ? Je plaisante, bien sûr… Cela fait 25 ans que des experts, plus ou moins sérieux, alertent sur la montée excessive des prix des logements. Et que leur valeur va s’effondrer. La réalité, c’est qu’il y a une véritable dynamique de hausse. Notamment en raison d’une demande structurelle. Mais les marchés, comme toujours, sont imprévisibles. Ce qui est « presque certain », c’est que s’il devait y avoir un choc sur le logement, il ne viendrait pas du logement. Ce serait un choc externe. Si demain, il devait y avoir une crise, financière ou géopolitique, l’économie aurait des problèmes. Et le marché du logement aurait, lui aussi, des problèmes. Par effet de contagion.
Fabrice Cousté – Le million de transactions a été franchi sur le marché du logement. Grâce, notamment, aux conditions d’octroi du crédit. Or, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) s’en est ému. Et a durci les conditions. Désormais, c’est 25 ans de durée d’emprunt maximum. Et un taux d’endettement limité à 33% des ressources.
Guy Marty – On est en droit de s’interroger sur la pertinence du diagnostic. Le professeur Michel Mouillard a justement relevé que le plafond des 33% du revenu dans les remboursements, et la durée de 25 ans maximum -tout en sachant, bien sûr, que quand on est au-delà de 25 ans, les mensualités sont réduites-, impactait, pour une partie non négligeable, des emprunteurs modestes dans des territoires plutôt défavorisés. Et qu’il s’agissait généralement de primo-accédants. Ce ne sont pas nécessairement les profils les plus à risque. C’est le problème des mesures globales. Car, s’il est vrai qu’il n’y a pas « un » marché du logement, mais bien « des » marchés du logement, il est aussi vrai qu’il n’y a pas « un » profil d’emprunteur, mais de nombreux profils d’emprunteurs.
Fabrice Cousté – Néanmoins, les prix continuent de « grimper ». Mais jusqu’où ? On comprend que cela suscite un peu d’inquiétude…
Guy Marty – La hausse des prix s’explique par trois facteurs. L’un est spécifiquement français. Les deux autres sont à la fois français et internationaux. Le facteur français, c’est un italien qui l’explique. Quelqu’un demandait un jour à Enzo Ferrari combien il fallait construire de voitures (pour être rentable). Et il a répondu : « moins une ». C’est en effet le moyen de tenir les prix. Or la maladie du logement, en France, c’est que depuis maintenant 25 ans, la construction est en retard sur la demande. Il y a donc sans cesse une pression sur les loyers… et sur les prix. C’est le facteur français, qui résulte de notre incapacité à nous projeter sur le long terme. Et d’anticiper de combien de logements on aura besoin dans 10 ans, dans 15 ans, dans 20 ans…
Fabrice Cousté – Et les raisons « internationales » ?
Guy Marty – La première vient du fait que le monde entier vit aujourd’hui dans un système financier qui n’est pas « très rassurant ». Cela ne veut pas dire qu’il soit en danger. Mais il y a, quand même, des petites inquiétudes, un peu « floues ». Ce qui conduit à ce que le logement soit, un peu partout dans le monde, une sorte de valeur refuge pour les ménages. La troisième raison n’est à mettre au débit de personne. C’est le phénomène de la métropolisation. Donc de la concentration croissante des populations mondiales dans les villes. Les métropoles, qui rassemblent capital, travail, innovations, sont le lieu où les gens veulent habiter. Il y a donc une pression sur le logement urbain. Et une certaine dépression en dehors des villes.
Fabrice Cousté – Faut-il alors absolument devenir propriétaire ?
Guy Marty – Faut-il devenir propriétaire, faut-il devenir investisseur… J’ai envie de dire, consulter l’article de pierrepapier.fr consacré à « comment devenir riche »… Vous y apprendrez que si les Français devaient épargner, et attendre que leur épargne soit constituée pour acheter un appartement ou une maison, il y aurait peu de Français propriétaires. En fait on s’enrichit, on accumule de l’épargne, à condition d’avoir une discipline. Placer son épargne, par exemple, chaque fin de mois. En ce sens, le crédit immobilier est extraordinairement vertueux. C’est une discipline inversée : le crédit devient épargne. Donc, finalement, être propriétaire, être investisseur, pourquoi pas, indépendamment de tout calcul financier…
Fabrice Cousté – Les jeunes qui s’endettent massivement ont-ils raison ?
Guy Marty – C’est un problème pour les CGP. Parce qu’ils sont nombreux, parmi les nouvelles générations, à s’intéresser à l’immobilier. Y compris à l’immobilier locatif. Il y a un point important à souligner dans la gestion de patrimoine des 28-35 ans. La discipline d’épargne est alors plus importante que le choix du produit. Donc, si les jeunes ont envie d’aller vers l’investissement locatif, à mon avis il faut les laisser faire. En ce qui me concerne, j’ai une préférence pour les SCPI, les OPCI ou les SIIC cotées en Bourse. Je préfère les formules mutualisées. Mais le plus important, c’est la discipline d’épargne. Ce qu’implique l’investissement locatif.