Jean-Pierre Quatrhomme, président-directeur général d’Immovalor Gestion, répond aux questions de pierrepapier.fr. Comment la filiale d’Allianz gère-t-elle ses SCPI, notamment fiscales, depuis le début de la crise ? Quel impact sur leur rentabilité ? Et quelles perspectives pour l’industrie de la gestion d’actifs immobiliers une fois la période de déconfinement passée ? Interview.
Que peut-on dire, aujourd’hui, de l’état des marchés immobiliers ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Ils sont évidemment fortement impactés par les conséquences du confinement. On le sait, cet impact est plus ou moins important selon les secteurs. L’hôtellerie, le tourisme, le commerce sont les plus affectés. Dans le secteur tertiaire – les bureaux -, la mise en place de procédures de travail à distance permet à une grande partie des entreprises locataires de maintenir leur activité. Le résidentiel et le secteur de la santé souffrent moins. Encore que, sur le marché du neuf, l’arrêt des chantiers aura des conséquences importantes. Les tensions qui étaient déjà présentes avant le début de la crise risquent de s’accentuer…
Quelles conséquences, aujourd’hui, sur l’activité d’Immovalor Gestion ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Nous avons pris les mesures nécessaires nous permettant d’assurer la continuité de l’exploitation. Toute l’industrie immobilière n’étant pas « figée », la gestion du patrimoine de nos véhicules immobiliers se poursuit. Les cessions d’actifs envisagées avant la crise se poursuivent. Des signatures sont en cours de finalisation. Idem côté investissements. Nous maintenons nos programmes d’acquisitions. Nous rencontrons en revanche plus de difficultés sur les ventes des actifs résidentiels opérées dans le cadre de la liquidation de certaines de nos SCPI fiscales. Les visites « physiques » étant suspendues, il est difficile de convaincre les acheteurs potentiels…
Qu’en est-il côté loyers ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Immovalor Gestion a décidé, comme l’ensemble de la profession, d’accepter le reports de loyers des TPE et PME en difficulté. A ce jour, nous avons reçu un certain nombre de demandes émanant de nos locataires. Ces demandes représentent environ 20% de la masse locative de notre SCPI d’entreprise, Allianz Pierre. Elles sont étudiées, tout comme l’ensemble des encaissements, au jour le jour par nos équipes de gestion. Celles-ci travaillent à la mise en place d’un échéancier, locataire par locataire. Aujourd’hui, sur la base d’un scénario de stress « maximum », nous estimons que les reports de loyers pourraient représenter jusqu’à 30% de la masse locative de la SCPI. En pratique, nous nous attendons à ce que ce pourcentage soit moins élevé. Certains locataires nous ont en effet déjà fait part de leur capacité à reprendre prochainement le versement de leurs loyers…
Et côté collecte ?
Jean-Pierre Quatrhomme – La collecte du 1er trimestre sur notre SCPI d’entreprise, Allianz Pierre, est en forte hausse par rapport à 2019. De l’ordre de 35%. Nous avons certes observé une nette dégradation durant les 15 derniers jours du mois de mars. Mais la collecte n’est pas à l’arrêt. Elle s’est poursuivie sur la première quinzaine d’avril. Les demandes de retrait – autrement dit, les rachats – sont quant à elles stables. Nous n’identifions donc pas, à l’instar de la plupart de sociétés de gestion de SCPI, de risque de liquidité à court terme.
Plusieurs sociétés de gestion d’actifs immobiliers ont déjà décidé de réduire le prochain acompte trimestriel versé par leurs SCPI. Qu’en est-il pour Allianz Pierre ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Je précise d’abord qu’Allianz Pierre a réalisé un excellent premier trimestre. Son taux d’occupation financier s’est encore amélioré, pour atteindre 92,13 % fin mars 2020. La structure et la qualité de son patrimoine, très majoritairement exposé à la classe d’actifs bureaux (plus de 88% fin 2019), la rendent moins sensible que d’autres à la crise actuelle. La valeur de son patrimoine s’est d’ailleurs encore appréciée l’an dernier (de plus de 3,5%). Elle dispose de réserves importantes (plus de 18 M€). Et elle n’est pas du tout endettée. Bref, Allianz Pierre, en raison également de sa taille (près de 1,4 Md€ fin 2019), dispose de fondamentaux solides. Nous avons toutefois décidé d’adopter une démarche prudente en termes de distribution. Le 1er acompte, qui sera versé ces prochains jours, a été fixé à 3,15 € par part. Soit environ 9% de moins que le 1er acompte distribué l’an dernier.
Il faut donc s’attendre à un dividende en baisse pour l’exercice 2020 ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Rien n’est encore décidé. La réduction de ce 1er acompte, d’un pourcentage somme toute assez faible, est destinée à étaler sur l’année un risque éventuel d’impayés. Aucune décision n’est encore prise pour les acomptes suivants. Elle dépendra de la situation qui prévaudra à la fin des deuxième et troisième trimestres. Notre objectif est de maintenir une politique de distribution régulière, échelonnée dans le temps. En évitant, dans tous les cas, de « sur-distribuer » lors d’un acompte trimestriel.
Immovalor Gestion gère également plusieurs SCPI fiscales. Sont-elles aussi impactées par la crise ?
Jean-Pierre Quatrhomme – A la différence des SCPI d’entreprise, nous n’observons pas de problème sur l’encaissement des loyers. Il est revanche devenu plus difficile, voir impossible, de procéder à la relocation des logements vacants. Mais ce phénomène est marginal, et n’affecte que très faiblement les revenus de nos SCPI. Celles qui sont en train de constituer leur patrimoine subissent toutefois des retards dans le rythme de leurs acquisitions. Plusieurs livraisons d’immeubles, prévues en avril et septembre prochain, ont par exemple déjà été repoussées. L’immobilier neuf, en revanche, est moins impacté que l’ancien en termes de commercialisation. Les investisseurs continuent en effet à acheter sur plan…
Comment anticipez-vous la sortie de crise. Quel impact, notamment, sur les niveaux de valorisation des différents secteurs de l’immobilier ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Pour rester sur le segment de l’immobilier résidentiel, je pense que l’une des conséquences de la crise sera l’accentuation de la fragmentation du marché. Autrement dit, l’impact sera moins important sur les prix des logements à Paris et dans les grandes métropoles régionales que dans les autres localisations. Dans les grandes métropoles, il pourrait y avoir, dans un premier temps, des baisses des prix. En raison de la mise sur le marché de biens par des vendeurs « pressés ». Mais, à terme, la dynamique d’avant-crise, en termes de volume et de prix, devrait revenir. Sur l’immobilier d’entreprise, la question est plus délicate. Et la visibilité plus faible. Notre sentiment est que les actifs bien placés, de bonne qualité, et bien loués, seront faiblement impactés. Pour l’instant, le seul critère que l’on puisse retenir, c’est la stabilité et la pérennité des flux locatifs…
Quels enseignements les sociétés de gestion d’actifs immobiliers doivent-elle tirer de la crise ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Le confinement a mis au jour des lacunes dans les procédures de digitalisation. Pour, d’ailleurs, l’ensemble de l’industrie immobilière. La crise a et aura pour effet d’accélérer la transformation digitale. Et c’est une bonne chose. Il est en revanche prématuré d’imaginer l’impact qu’elle aura sur l’industrie de la gestion d’actifs immobiliers. Celui-ci dépendra de l’ampleur et de la durée de la dégradation économique. Mais je pense qu’elle conduira à un certain retour aux « fondamentaux » de la gestion d’une SCPI. Qu’il est préférable, par exemple, de diversifier ses investissements entre plusieurs classes d’actifs. Plutôt que de se concentrer sur un seul secteur. Que les principaux critères de sélection d’un immeuble sont liés à sa qualité. Et à sa « durabilité », dans tous les sens du terme, y compris environnemental. Et, qu’enfin, il n’est guère prudent de trop utiliser l’effet de levier du crédit…
Propos recueillis par Frédéric Tixier
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A propos d’Immovalor Gestion(i)
Créée en 1983, Immovalor Gestion est une société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des marchés financiers, qui gère des SCPI pour le compte de 30 624 associés. C’est une filiale à 100% du Groupe Allianz. Elle gère actuellement 4,994 milliards d’euros actifs (valeur brute estimée au 31/12/2019) représentant 2156 appartements résidentiels et 700 000 m² d’immobilier d’entreprise. Au travers de 1 SCPI de bureaux, 8 SCPI fiscales, 2 SCI (sociétés civiles immobilières – unités de compte), et 5 OPPCI (organismes professionnels de placement collectif immobilier).
(i) Information extraite d’un document officiel de la société