La croissance des ventes par Internet ralentit (sont-elles en train d’entrer dans une phase maturité ?) mais continue toujours de grignoter, voire de mordre, dans la part de marché des distributeurs « physiques » dans un environnement européen où la consommation est en berne. Posséder des points de ventes dans les meilleurs emplacements ne suffit plus pour attirer les clients. Les propriétaires de centres commerciaux doivent s’adapter et développer un environnement « favorable » au shopping dans l’espoir d’améliorer l’expérience client, plutôt que de simplement s’occuper de la gestion des murs et du toit de leurs malls (centre commerciaux).
Comme les foncières sont avant tout des acteurs de la « Pierre », nous laisserons de côté les tentatives de mettre un pied dans l’univers du shopping virtuel comme l’a fait Altarea-Cogedim via l’acquisition du site marchant RueduCommerce.com en 2011.
La « stratégie de différenciation » mise en œuvre par Unibail-Rodamco, la nouvelle marque « intu » des actifs de CSC, le recentrage de Corio sur son concept « Favourite Meeting Places » sont autant de tentatives pour renforcer les flux de visiteurs. Ces visiteurs sont les éléments générateurs de revenus : ils sont indispensables pour attirer de nouveaux locataires et augmenter les loyers au m². Les foncières se rapprochent donc des clients finaux pour comprendre les attentes des consommateurs et pas seulement les besoins des distributeurs. Cette stratégie passe par une gestion appropriée de l’offre présente dans les centres commerciaux (comprenant également des restaurants, des services et des loisirs, voir l’acquisition d’intérêts par Land Securities dans X-Leisure Unit Trust) mais elle doit également être mise en avant pour être identifiable par les consommateurs quand ils cherchent un endroit où faire du shopping.
Longtemps, les hypermarchés ont été la force d’attraction des malls. Ce modèle est terminé. Il revient désormais aux foncières propriétaires de centres commerciaux de donner une « identité » à leurs actifs. De fait, ces foncières deviennent des agences de communications et de marketing (voir la stratégie « Foncière Commerçante » de Mercialys), des organisateurs d’évènements et un nom qui évoque un univers auprès des clients finaux en plus de leurs activités traditionnelles (que sont la gestion des actifs, l’ingénierie financière et l’arbitrage du portefeuille).
Ces qualités existent déjà dans les groupes immobiliers mais elles deviennent primordiales aujourd’hui et sont au centre du business model. Évidemment, la question est de savoir si les investisseurs sont prêts à payer pour ces talents marketing en plus du fait de détenir des murs de centres commerciaux. Les marges pourraient probablement être impactées puisque des services supplémentaires ont un coût, si leur but n’est que de protéger les loyers futurs. Toujours est-il qu’en regardant la baisse régulière des coûts de personnel (11,5% du chiffre d’affaires en moyenne en 2007 contre 9,3% attendus pour 2014) comme un indicateur, les gérants de centres commerciaux ont une certaine marge de manœuvre pour investir dans une « meilleure expérience client » et protéger leur pré carré.
Pierre-Loup Etienne
Analyste foncières, AlphaValue