L’émission « La gestion de patrimoine dans tous ses états » s’intéresse aujourd’hui au fonds en euros. Les assureurs ne souhaitent plus, dorénavant, que les épargnants y investissent, comme ils ont eu coutume de le faire. Pourquoi ? Et quelles alternatives et selon quelles modalités à cette solution d’épargne emblématique ? Les réponses de Guy Marty, au micro de Fabrice Couste, sur Radio Patrimoine.
Fabrice Couste – Le fonds en euros est de plus en plus critiqué ou attaqué. Et les assureurs multiplient les contraintes pour dissuader les assurés d’en souscrire. Tout en les poussant à se tourner vers les unités de compte. Tel Aviva, qui vient de durcir le ton, et d’imposer un minimum de 30% en unités de compte. Alors, Guy, expliquez-nous : pourquoi cette « urgence » des assureurs à convertir leurs clients en fonds euros aux unités de compte ?
Guy Marty – Il faut d’abord expliquer, comme doivent le faire les conseillers envers leurs clients, dans quel monde on vit. Et pourquoi on en est arrivé là… La réalité, c’est que les banques centrales sont en train d’inonder l’économie de liquidités. Donc, de baisser les taux très, très fortement. Avec l’espoir que les acteurs se tournent davantage vers l’économie réelle. Dans le même temps, les régulateurs multiplient les réglementations : Bâle 3, Bâle 4 pour les banques, Solvency 2 pour les compagnies d’assurance. Des réglementations qui ont pour principale conséquence d’empêcher les banques et les compagnies d’assurance d’investir dans l’économie réelle ! Ce qui est assez fascinant. Solvency 2, par exemple, impose aux compagnies d’assurance d’immobiliser 39 € de fonds propres si elles veulent acheter 100 € d’actions. Moralité : les assureurs sont incités à favoriser l’investissement en obligations. C’est-à-dire le fonds euros. Voilà pourquoi on en est là.
Fabrice Couste – Qu’est-ce qui a changé ?
Guy Marty – Pourquoi les assureurs sont-ils en train de vouloir que les particuliers achètent moins de fonds euros et plus d’unités de compte ? Et pourquoi les régulateurs les poussent-ils dans cette direction ? Parce que tout le monde se dit, au fond, qu’aujourd’hui les taux sont très bas. Autour de 0%, voir négatifs. Ce qui veut dire que le jour où les taux remontent, les compagnies d’assurance seront en danger. Donc, il faut limiter leurs risques. Et donc, une fois de plus, c’est à l’épargne privée de prendre les risques à leur place. Mais l’épargne privé, c’est nous…
Fabrice Couste – Mais pourquoi les régulateurs veulent arrêter les fonds en euros, et poussent les assurés à aller sur les unités de compte ?
Guy Marty – L’argument, c’est que, évidemment, l’unité de compte est plus rentable. Et c’est vrai. En pratique, le fond en euros a néanmoins un avantage considérable. Puisque c’est la compagnie d’assurance qui garantit à l’assuré que sa performance ne sera jamais négative. Il s’agit donc bien d’une assurance, celle de la préservation du capital. Tandis qu’avec l’unité de compte, la compagnie d’assurance n’est pas responsable. Et c’est normal. En fait, il faudrait juste être cohérent. Le fonds en euros, c’est comme le livret A. L’argent est garanti, ce n’est pas rentable, mais c’est la sécurité. L’unité de compte, c’est potentiellement plus rentable. Mais avec plus de risques. Investir en unités de compte, c’est investir en actions. Ou en immobilier, sous forme de SCPI, d’OPCI, de SCI éligibles aux contrats d’assurance-vie. Avec un impact en termes de responsabilités et de risques. Et qui dit risques, dit fluctuations. Il n’y a donc qu’une seule façon d’acheter des unités de compte : par versements périodiques.
Fabrice Couste – Périodique ça veut dire quoi ? Tous les mois ? Tous les ans ?
Guy Marty – Tous les mois, tous les ans, peu importe. Ce qu’il faut comprendre, c’est que si sur un fonds en euros, il était souhaitable d’investir directement 100 000€, sur un contrat en unité de compte, il est préférable de placer 500 € ou 1 000 € tous les mois, ou 10 000 € tous les ans. Parce que l’on ne sait jamais à l’avance quand les marchés seront au plus haut, ou au plus bas. Je vous donne un exemple. Sur pierrepapier.fr, on a fait un article il y a quelques temps, titré « L’art de la performance ». On a pris les chiffres du CAC 40, donc la performance des actions, entre 2007 et 2017. Période sur laquelle le CAC 40 a globalement perdu 6%. Alors que quelqu’un qui aurait acheté une fois tous les ans aurait obtenu une performance de… 70% !
Fabrice Couste – Pourquoi ?
Guy Marty – Pourquoi ? Parce que quand la bourse a chuté, il a pu acheter plus avec un même montant. Et quand la bourse a monté, avec ce même montant, il a acheté moins. C’est la seule façon d’aborder un placement risqué, a priori plus rentable à long terme. Se dire : comme je ne sais pas si c’est le bon moment d’acheter, j’achète tous les ans, ou tous les mois. C’est pourquoi, de ce point de vue, l’unité de compte peut être un placement intelligent…
Fabrice Couste : En résumé, on garde son fonds en euros, mais on investit périodiquement sur les unités de compte…
Guy Marty – Exactement.