Pour cette première émission de « la gestion de patrimoine dans tous ses états », le sujet central est la croissance. L’économie ralentit-elle ? L’OCDE a de fait réduit sa prévision de 1,9% à 1,8% pour cette année. Mais que faut-il en pensez ? Les réponses de Guy Marty, au micro de Fabrice Couste, sur Radio Patrimoine.
Guy Marty – Ce que j’en pense ? C’est que je ne sais plus du tout de quoi on parle. Parce que quand on parle du PIB, il faut savoir que c’est un outil qui a été conçu -il a des qualités et des défauts, mais il est assez robuste-, pour les sociétés industrielles. Et pour les sociétés industrielles à une époque où les frontières étaient relativement fermées. Or, aujourd’hui, ce n’est pas tout à fait dans ce contexte que l’on vit. Deux exemples. Aujourd’hui, combien envoyez-vous de SMS par jour, combien de mails par jour ? Et il y a quelques années, combien de lettres ? Le problème, c’est que les lettres que vous envoyiez, ça comptait dans le PIB. Parce qu’il y avait des timbres et du papier… Vous ne les envoyez plus ? Donc le PIB a baissé. Et les SMS et les mails ne comptent pas dans le PIB. On a donc un premier décalage.
Fabrice Couste – Et deuxième décalage ?
Guy Marty – Deuxième décalage… Est-ce que vous savez que des sociétés comme Google, comme Facebook, comme Twitter ne comptent pas dans le PIB ! Extraordinaire, les plus grandes entreprises du monde ne sont pas forcément intégrées dans le calcul du PIB. En réalité, c’est vrai que si un annonceur paye une publicité sur Google, le coût de cette publicité va entrer dans sa valeur ajouté. Donc dans le calcul final du PIB. Mais c’est très indirect. Tout ça pour dire que le PIB, aujourd’hui, on ne le connait pas à, j’ai envie de dire +/-1% ou +/-2% près. Il y a même un site qui est absolument irréprochable –la finance pour tous-, qui dit, dans un document pédagogique, que le PIB aujourd’hui, on ne le connait pas à plus ou moins 5% près. Alors, me parler de 0,1% de ralentissement, je ne sais plus de quoi on parle.
Fabrice Couste – Néanmoins, les grands experts, l’OCDE en l’espèce, indique quand même un ralentissement de croissance. Donc on va vers du « moins ». Est-ce que cela participe, du coup, d’un pessimisme ambiant ?
Guy Marty – Je vais réagir un petit peu brutalement, et je dirai deux choses. Premièrement, la nature a horreur du vide. Deuxièmement, l’ambiance médiatique adore ce qui est anxiogène. Les deux mis ensemble, sachant qu’il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’inconnus, et de plus en plus d’inconnus dans la situation actuelle dans l’économie qui bascule, dans la société qui bascule, eh bien, avec des inconnus, on fait du vide, et avec du vide, on fait des angoisses. Donc, aujourd’hui, on pourrait dire la chose suivante. Premièrement, personne ne sait où on va. Deuxièmement, tout le monde peut en parler, mais … voilà.
Fabrice Couste – Dans ces conditions, qu’est-ce que le conseiller en gestion de patrimoine, ou le professionnel du patrimoine peut dire à ses clients confrontés à ce pessimisme ?
Guy Marty – Justement, parler d’économie, parler de prévision de croissance, parler de ralentissement, c’est à mon sens, pour un conseiller, la discussion qu’on peut avoir sur la pluie et le beau temps. Mais ce n’est pas le cœur du sujet. En fait, la légitimité du conseiller vis-à-vis de son client, c’est justement d’être au-dessus de ces questions de conjoncture. Pourquoi ? D’abord parce que lui-même, il doit être mieux, doit être plus « valable » qu’un site internet, ou qu’un média. Et deuxièmement, le conseiller est là pour accompagner le client. Pour gérer son argent sur les 5, 10, 15, 20, 25 prochaines années. Donc, il y aura toujours des modifications de la conjoncture.
Fabrice Couste – C’est-à-dire ?
Guy Marty – Si le client comprend que son conseiller, lui, est branché un peu au-dessus de ces aspects conjoncturels. Et que, de toute façon, les inconnus vont se renouveler… et bien sa relation avec le client sera beaucoup, beaucoup plus fructueuse. S’il a des compétences, le client acceptera cette compétence technique, juridique, ou en termes de placement. Parce ce que, justement, le conseiller aura de l’ascendant. Il ne sera pas la victime de la conjoncture. Sinon lorsque la Bourse monte, le client dit « c’est super, la bourse monte ». Donc on achète la bourse. Et puis quand elle baisse, le client dit « Ah c’est terrible, la bourse baisse ». Alors le conseiller dit « et bien oui, on va vendre les actions ? ». En fait le rôle du conseiller c’est d’être au-dessus des questions de conjonctures, au-dessus des questions de pluie et de beau temps.
Fabrice Couste – Et voilà, quel que soit donc l’état du PIB ou de la croissance, le conseiller devra se situer, on l’a compris, au-dessus de la mêlée.
Merci Guy Marty, et à très bientôt pour un prochain billet.