Presque toutes les SCPI ont publié leur valeur de reconstitution 2022. Il est donc désormais possible d’estimer celles qui pourraient être contraintes de baisser – ou d’augmenter – le prix de leurs parts. Tableau récapitulatif et commentaires.
La question est à l’ordre du jour depuis maintenant plusieurs mois : le prix des parts de -certaines- SCPI, dans le sillage de la correction des prix des actifs immobiliers, va-t-il baisser cette année ? Les raisons qui pourraient pousser des gestionnaires à ajuster le prix de souscription de certains de leurs véhicules ont déjà été explicitées (voir « SCPI : le prix de leurs parts va-t-il baisser en 2023 ? »). AEW Patrimoine, pour l’instant la seule société de gestion à avoir procédé à une telle révision -pour sa SCPI Laffitte Pierre-, s’est d’ailleurs expliquée sur le sujet (voir «Laffitte Pierre : explications sur la baisse de son prix de souscription »)… Mais le sujet reste d’actualité : d’autres gestionnaires vont-ils suivre cet exemple ?
Le critère réglementaire de l’écart entre le prix de souscription et la valeur de reconstitution
Le premier critère justifiant une telle décision serait, on le sait, d’ordre réglementaire. Une règle impose en effet que le prix de souscription d’une SCPI ne s’éloigne pas trop de sa « valeur de reconstitution[1]». Ce prix de souscription doit de fait se situer dans une fourchette de plus ou moins 10% par rapport à cette valeur de reconstitution. Autrement dit, lorsque le prix de souscription d’une SCPI sort de ce tunnel, le gestionnaire du véhicule est censé modifier le prix de la part. Le baisser, donc, si le prix de souscription dépasse -ou même s’approche dangereusement de- la limite « haute ». C’est-à-dire de 110% de la valeur de reconstitution. Ou l’augmenter, si ce prix de souscription dépasse la limite « basse ». Soit 90% de la valeur de reconstitution.
Des données publiques
Bref, pour estimer si le prix de souscription d’une SCPI est potentiellement susceptible d’être modifié, il faut connaître ces deux indicateurs : le prix de souscription, et la valeur de reconstitution… Le prix de souscription, tout du moins pour les SCPI à capital variable, est indiqué, en règle générale, sur le site du gestionnaire. Il figure également dans les bulletins – trimestriels ou semestriels – adressés aux associés. Le plus souvent, eux aussi, disponibles en ligne. La valeur de reconstitution est également une donnée publique. Mais elle n’est évidemment publiée qu’une fois par an. Lorsque les valeurs d’expertise des SCPI ont été arrêtées. Cette information figure dans le rapport annuel de la SCPI. Parfois, dans le bulletin d’information rédigé durant la même période. Mais la date de publication de ces rapports annuels diffère selon les sociétés de gestion. Ce qui ne facilite pas les choses.
En attendant les rapports annuels des SCPI…
Les plus rapides bouclent ce document dès le mois de mars. Les plus lentes, fin juin, début juillet. Il faut en effet, notamment, que les différentes valeurs d’expertise de la SCPI arrêtées en fin d’année précédente-dont la valeur de reconstitution- soient validées par les conseils de surveillance. Sachant que ces mêmes valeurs devront en outre être approuvées ensuite par les assemblées générales des SCPI. Lesquelles se tiennent, pour l’essentiel, durant l’été. Donc, pour collecter les valeurs de reconstitution de toutes les SCPI du marché, et sauf à être directement connecté avec les back-offices des sociétés de gestion, il n’y a pas trente-six solutions. Il faut attendre que les rapports annuels soient publiés. Et les analyser, un par un, pour en extraire cette information spécifique… C’est l’exercice auquel s’est notamment livré Raphaël Oziel, dirigeant de la structure de gestion de patrimoine, spécialiste des SCPI, La Boutique des Placements (LBP).
La Boutique des Placements a audité 83 SCPI à capital variable
« La Boutique des Placements a audité 83 SCPI de rendement, à capital variable, afin de déterminer l’évolution de la valeur des patrimoines immobiliers des SCPI entre 2021 et 2022 », explique le communiqué publié sur le site du conseiller. Résultent notamment de cette étude un tableau, que pierrepapier.fr a en partie enrichi et publié dans son intégralité en fin d’article. Et plusieurs enseignements. Le premier confirme la tendance déjà indiquée par l’ASPIM en avril dernier : la valeur du patrimoine des SCPI s’est dépréciée en 2022. L’ASPIM chiffrait à -1,54% le recul moyen des valeurs d’expertise. L’étude de La Boutique des Placements, sur un échantillon plus restreint[2], estime celui des valeurs de reconstitution à -1,04%. Elle rappelle également que certaines catégories thématiques ont mieux résisté que d’autres.
75% des SCPI de l’échantillon sont toujours en situation de décote
Les SCPI dédiées au secteur tourisme et hôtellerie affichent même des valeurs de reconstitution en hausse par rapport à 2021 (+2,77% en moyenne, selon LBP). A l’inverse, celles spécialisées sur le secteur des bureaux reculent plus que l’ensemble du marché (-2,4%, en moyenne). Mais, surtout, la confrontation entre valeur de reconstitution 2022 et prix de souscription permet d’identifier les véhicules qui pourraient, potentiellement, procéder à une modification du prix de leurs parts. D’abord, une bonne nouvelle… Sur la base d’un échantillon élargi, notamment aux SCPI de création récente[3], d’environ 90 SCPI à capital variable (voir tableau ci-dessous), 75% des véhicules sont aujourd’hui en situation de décote[4].
Aucune SCPI de l’échantillon en situation de « contrainte légale »
Sur les 25% restant, soit une vingtaine de SCPI, seules 8 affichent une surcote supérieure à 5%. Et deux, seulement, une surcote supérieure à 8%. Aucune, en réalité, n’a donc, sur la base des valeurs de reconstitution 2022, un prix de souscription « hors limite ». Cette absence de contrainte « légale » n’exclut pas pour autant de possibles révisions des valeurs de parts dans les prochaines semaines. Pour rappel, Laffitte Pierre, avant la baisse de son prix de souscription, n’affichait une surcote « que » de 9,13%[5]. Mais son gestionnaire, AEW Patrimoine, avait toutefois estimé préférable de procéder à cette révision dès le 1er mars dernier.
Mais certaines baisses de prix sont déjà décidées…
Evoquant alors des anticipations négatives sur l’évolution des marchés immobiliers « dans les mois à venir ». Les faits lui ont donné raison… Les gestionnaires, dont certains véhicules sont à la limite de la fourchette haute, pourraient donc user de ce même argument pour acter des baisses de prix de souscription. En se basant, ce qui n’a rien d’aberrant, sur des projections négatives des différents marchés immobiliers à fin 2023… Selon nos sources, certaines baisses de parts seraient d’ailleurs déjà décidées. Elles devraient intervenir au cours des prochaines semaines.
Des hausses pourraient aussi intervenir
A l’inverse, d’autres SCPI pourraient voir leurs prix de souscription révisés… à la hausse. Sélectipierre 2, chez Fiducial Gérance, l’a déjà fait en mars dernier. La nouvelle valeur de part (773 €, vs 765 € auparavant) la laisse néanmoins encore en situation de forte décote (-9,55%). Une nouvelle revalorisation n’est donc pas à exclure. La jeune SCPI Remake Live a elle aussi acté une revalorisation le 1er juin dernier. Son prix est passé de 200 € à 204 €. Gommant ainsi une légère décote (-3,37%, avant revalorisation). Et d’autres SCPI, en situation de forte décote (voir tableau), pourraient suivre.
Baisse du prix d’une SCPI : est-ce si grave ?
Preuve que le marché des SCPI résiste plutôt bien dans le nouveau contexte immobilier. Ces bonnes nouvelles n’auront malheureusement pas le même impact que l’annonce des quelques baisses de parts sans doute à venir. Elles doivent pourtant être relativisées. D’abord, parce que les corrections attendues sont assez faibles. « On parle de baisses à un chiffre », estime Raphaël Oziel dans le commentaire de son étude. Ce dernier rappelle aussi, argument parfaitement pertinent quoiqu’évident, que la SCPI est un placement de long terme. Une baisse de valeur, ponctuelle, sera largement effacée sur la période de détention traditionnelle d’une SCPI. Très largement supérieure, historiquement, à 10 ans. A condition, bien sûr, de ne pas vendre les parts déjà détenues… Reste enfin l’argument du rendement. C’est d’ailleurs d’abord pour sa performance locative que l’on achète une SCPI. Et sa promesse de verser des revenus récurrents et réguliers.
La promesse de rendements orientés à la hausse ?
De ce point de vue, les SCPI, même celles qui baisseront le prix de leurs parts, continueront d’honorer leur contrat. La correction des marchés immobiliers, qui se traduit par la baisse de la valeur des actifs, a en effet aussi pour corollaire la hausse des rendements. Ceux des SCPI seront sans doute eux aussi rehaussés en 2023. Une autre bonne nouvelle pour l’ensemble du marché[6]… Mais il est vrai que l’effet rendement sera d’autant plus sensible si la SCPI continue à bénéficier d’une forte collecte[7]. Et que son souscripteur aura acquis ses parts dans de bonnes conditions de décote. Un argument que ne manqueront pas de mettre en avant – pour les seuls futurs nouveaux associés, bien évidemment…- les gestionnaires qui procéderont à des baisses de prix de souscription…
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Notes
[1] La « valeur de reconstitution » d’une SCPI est égale à la valeur de réalisation, c’est-à-dire la valeur vénale des immeubles qu’elle détient, plus la valeur nette de ses autres actifs, à laquelle est ajouté l’ensemble des frais et droits nécessaires pour reconstituer le patrimoine immobilier de la SCPI. Autrement dit, la valeur de reconstitution correspond à la somme qu’un investisseur devrait débourser pour reconstituer, à l’identique, le patrimoine d’une SCPI, frais de transaction et commission de souscription inclus.
[2] Et sans calculer la variation en moyenne pondérée des capitalisations.
[3] Et dont la variation des valeurs de reconstitution entre 2021 et 2022 n’est donc pas prise en compte.
[4] Rappelons que lorsque le prix de souscription d’une SCPI se rapproche de la limite « haute » (110% de la valeur de reconstitution) la SCPI est dite en situation de surcote. Autrement dit, que les nouveaux souscripteurs vont payer leurs parts plus chers que la « juste » valeur de la SCPI. A l’inverse, lorsque le prix de souscription est dans le bas de la fourchette (90% de la valeur de reconstitution), la SCPI est dite en situation de décote. Ceux qui y investissent font alors une « bonne affaire », puisqu’ils achètent leurs parts à un prix inférieur à la valeur de reconstitution.
[5] La baisse du prix de souscription de Laffitte Pierre le 1er mars dernier, de 450 € à 418 €, a ramené cette surcote à +1,37%.
[6] En partie contrebalancée par la concurrence accrue d’autres placements actuellement plus rémunérateurs…
[7] Lui permettant d’acquérir de nouveaux actifs à des conditions de rendement supérieures à celles constatées en 2022.