Yann Videcoq, directeur général d’Arkéa REIM, revient sur le positionnement de cette nouvelle société de gestion. Et analyse les avantages comparatifs des nouveaux entrants dans la configuration actuelle des marchés immobiliers. Entretien.
Arkea REIM est une toute jeune société de gestion. Adossée au groupe Arkéa, elle a déjà lancé deux produits grand public, une SCI et une SCPI. Pouvez-vous, avant d’aborder des sujets plus transverses, nous rappeler l’objectif, le positionnement… et ce qu’Arkéa REIM compte apporter au marché de la gestion d’actifs immobiliers ?
Yann Videcoq – Arkéa REIM a effectivement été lancée l’an dernier, en 2022. C’est la société de gestion de fonds immobiliers du groupe Crédit Mutuel Arkéa. Pourquoi ce lancement, à ce moment précis ? Nous venions de sortir de la crise sanitaire. Et avions l’impression d’avoir une vision plus précise de ce que serait l’immobilier de demain. La Covid a eu un impact très important sur tous les secteurs de l’immobilier. Donc, créer une nouvelle société de gestion, cela avait beaucoup de sens. En outre, le groupe Crédit Mutuel Arkéa n’avait pas encore de structure dédiée à la gestion d’actifs immobiliers. Aux côtés d’autres sociétés de gestion[1], comme Fédéral Finance Gestion ou Schelcher Prince Gestion, Arkéa REIM a pour objectif de répondre aux besoins des clients de Crédit Mutuel Arkéa.
C’est-à-dire ?
Yann Videcoq – En développant des solutions d’investissement en phase avec la raison d’être du groupe. Qui est, je le rappelle, la seule banque en France dotée du statut d’entreprise à mission. C’est la raison pour laquelle tous les produits que nous avons lancés sont déjà labelisés ISR. Et que Silver Avenir, produit déjà existant, est passé article 8 depuis le 1er janvier 2023…
Silver Avenir, lancée avant la création d’Arkéa REIM, effectivement. Quel bilan 2022 pour cette unité de compte immobilière spécialiste du viager ?
Yann Videcoq – Silver Avenir, spécialiste du viager « bouquet »[2], a réalisé l’une des plus belles performances du segment des unités de compte immobilière l’an dernier. Avec une progression de 5,31% de sa valeur liquidative. Tout en ayant adopté une démarche responsable, consistant notamment à limiter fortement la collecte. Qui s’établit néanmoins à environ 200 M€ au titre de 2022.
Une décision nécessaire, effectivement…
Yann Videcoq – Silver Avenir a par ailleurs investi environ 240 M€ l’an dernier. Le marché du viager est en fort développement. Il est aujourd’hui dominé par les agences immobilières. Qui ont, pour certaines, créé des départements spécialisés dans le viager bouquet. Les perspectives de performance pour 2023 sont favorables. Elle devrait être comprise entre 5% et 5,5%. Car Silver Avenir intervient sur un secteur spécifique du résidentiel, celui du luxe…
Qui résiste à la crise…
Yann Videcoq – Exactement, qui résiste beaucoup mieux à la crise que le résidentiel en général.
Quel est le positionnement des deux autres véhicules qu’Arkéa REIM a lancé l’an dernier ?
Yann Videcoq – Le crédo de la SCI Territoires d’Avenir, c’est d’investir dans le meilleur de l’immobilier, en régions. La crise du Covid a eu aussi un impact démographique. Et suscité une vraie dynamique vers les territoires, en France, et en Europe. La SCI a vocation à accompagner ce mouvement. En outre, on a pu observer que ces territoires étaient souvent moins impactés par les crises immobilières, tous secteurs confondus. Le fonds est donc diversifié. Et investit dans toutes les typologies d’actifs. C’est également le cas pour notre SCPI, Transition Europe. En période d’incertitude, la diversification présente bon nombre d’avantages. Notamment celui de laisser au gérant toute latitude pour choisir les secteurs les plus porteurs. Qui viendront contribuer à la performance du véhicule.
En 2022, les investissements les plus plébiscités par les fonds immobiliers sont précisément les régions, d’un côté, l’Europe de l’autre. Ce sont, précisément, les deux thématiques retenues pour vos deux véhicules…
Yann Videcoq – Sachant que nous voulions également proposer des fonds vraiment différenciés par leur mode de distribution. Avec donc, d’un côté, la SC en assurance-vie. Et de l’autre, la SCPI plutôt en direct à travers nos partenaires CGP. Mais aussi différenciés, effectivement, en termes de stratégie d’investissement. Territoires d’Avenir, ce sont les régions. Et Transition Europe, les actifs immobiliers hors de France. Principalement, pour l’heure, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Espagne, les grosses économies de l’Union européenne. Car il y a aujourd’hui de vraies opportunités sur ces marchés. Certains se sont retournés plus rapidement que d’autres. Les Pays-Bas, ou l’Irlande, par exemple, ont déjà enregistré de très fortes hausses de taux. Donc des baisses de prix importantes. Ce qui nous a permis de nous positionner sur des actifs générant des taux de rendement de l’ordre de 6,5% à 7,5%…
Nous allons parler de l’état des marchés immobiliers. Mais, juste pour boucler sur l’actualité Arkéa REIM, quelle collecte pour les véhicules que vous venez d’évoquer ?
Yann Videcoq – Sur Territoires d’Avenir, très beau démarrage. La collecte, depuis juin dernier, est d’un peu plus de 170 M€. Elle a été intégralement investie. Ce qui permet à ce véhicule d’afficher une performance de l’ordre de 4,6% sur les huit derniers mois. Il bénéficie clairement de l’effet marché. Nous achetons à des prix plus bas que l’an dernier. Avec des taux de rendement plus élevés. Le fonds génère donc plus de performance que des véhicules plus anciens… Quant à Transitions Europe, elle a collecté environ 35 M€ depuis son lancement, début janvier. Le démarrage sera sans doute plus progressif, étalé sur l’année 2023.
Selon vous, le fait de lancer des produits immobiliers aujourd’hui procure donc un avantage concurrentiel. Parce que les prix des actifs immobiliers sont en train de s’ajuster. Mais s’ajustent-ils partout, au même rythme ? Vous disiez que certains pays étaient plus réactifs. Est-ce aussi le cas pour certains secteurs ? Et, plus globalement, comment voyez-vous ces marchés évoluer au cours des prochains mois. Car ce sont bien, désormais, les acheteurs qui sont « aux commandes » ?
Yann Videcoq – Oui, ce sont les acheteurs. Toutefois, les vendeurs sont aussi encore parfois aux commandes. Dans la mesure où les marchés sont actuellement très segmentés, différenciés. La logistique, par exemple, s’est retournée beaucoup plus vite que les autres secteurs. Il y a donc plus d’opportunités pour se positionner. Nous avons acquis, en régions, des portefeuilles d’actifs très bien situés. Avec de très beaux locataires. Et à des taux de l’ordre de 5% à 6%. Un an plus tôt, ces taux se situaient plutôt autour de 4%. La segmentation joue également en fonction de la taille des actifs. Le marché des actifs supérieurs à 100 M€ est totalement gelé.
Marché gelé ?
Yann Videcoq – Parce que les vendeurs ont le temps d’attendre… Ce n’est pas, de toute façon, un marché sur lequel nous avons vocation à intervenir pour l’instant, nos fonds étant trop petits pour y prétendre. Et tant mieux, puisque les opportunités sont aujourd’hui plus nombreuses sur les petits actifs en régions. Tous secteurs confondus. C’est donc tout l’intérêt de gérer un fonds diversifié. Cela nous permet de nous positionner, en fonction des opportunités, sur tel secteur, dans telle ville.
Et y compris au niveau européen…
Yann Videcoq – Y compris au niveau européen. Le marché français a, semble-t-il, moins « repricé » pour l’instant que d’autres pays. Le repricing est en tout cas beaucoup plus net aux Pays-Bas ou en Irlande. Dans une moindre mesure, en Espagne. En Allemagne, je dirais plutôt que le marché est gelé. Il ne s’y passe pas grand-chose. Mais c’est en train de changer. En résumé, je considère que 2023 est une année de grandes opportunités. Pour Arkéa REIM. Mais pas que…
Quelles conséquences sur les rendements des fonds immobiliers ? Vont-ils augmenter en 2023 ? Ou seulement ceux des fonds les mieux gérés ?
Yann Videcoq – Ce n’est pas qu’une question de bonne gestion. En fait, les fonds immobiliers vont continuer à faire ce qu’ils faisaient. Les « gros » fonds immobiliers, qui délivraient du 4,5%, 5,5%, vont continuer à le faire. Il n’y a pas vraiment de raison pour que cela change. Sachant qu’en outre les rendements seront tirés par l’indexation des loyers. La situation est différente pour les nouveaux fonds immobiliers. Nous n’avons pas de stocks à gérer. Pas de vétusté. Pas d’immeubles anciens, vacants, dont on ne saurait que faire. Tous nos immeubles sont récents. Aux dernières normes environnementales. Ils n’ont pas été acquis depuis plus de 2 à 3 ans, avec des taux de rendement à l’acquisition de l’ordre de 4%…
C’est-à-dire ?
Yann Videcoq – Aujourd’hui, sur Territoire d’Avenir, ces taux sont compris entre 5% et 6%. Sur Transition Europe, entre 6,5% et 7,5%, compte tenu du repricing plus avancé en Europe que j’évoquais précédemment. Donc, mécaniquement, les nouveaux fonds -nos nouveaux fonds- devraient délivrer des performances supérieures à celles de fonds plus anciens. Ce n’est donc pas uniquement la « qualité » du gestionnaire qui importe. Le « time to market » est essentiel…
Dans le débat jeune vs ancienne SCPI, je vois que vous avez choisi votre camp… Mais essentiellement, si j’ai bien compris, parce que les véhicules les plus récents bénéficient actuellement d’un market timing qui leur est favorable ?
Yann Videcoq – Exactement. Il faut aussi ajouter que les véhicules de petite taille, en revanche, n’offrent pas la même « stabilité » que ceux affichant plusieurs milliards de capitalisation… En outre, pour rester sur le sujet de la performance, ma conviction est que, cette année, mes véritables concurrents ne seront pas d’autres produits gérés par des gestionnaires d’actifs immobiliers. Mais des produits financiers…
Comme les produits obligataires, notamment…
Yann Videcoq – Tous les produits. Les produits structurés… Les produits obligataires… Ils sont de plus en plus nombreux à délivrer du 5%, voire du 6%. Certains produits structurés, y compris à capital garanti, offrent de fait des performances potentiellement très attractives. La question est donc : comment, en proposant un fonds immobilier sans track record, attirer des souscripteurs … si ma promesse de rendement se situe entre 4% et 4,5% ? C’est mission quasi impossible, face à cette nouvelle concurrence. C’est la raison pour laquelle notre ambition, sur la SCPI Transition Europe, est de délivrer en 2023 une performance supérieure à 6%. C’est une quasi-obligation pour s’imposer sur le marché.
Un mot, pour finir, sur le sujet de la liquidité. Les « concurrents » des SCPI, que vous évoquiez, sont aussi souvent plus liquides. Y a-t-il un risque sur la liquidité des SCPI, ou des fonds immobiliers en général, en 2023 ?
Yann Videcoq – Il est important de rappeler que l’immobilier est un produit fortement illiquide. On a trop tendance à l’oublier. Notamment lorsque l’on propose un véhicule sans droit d’entrée… Je n’ai rien contre le principe. Mais cela donne l’illusion aux épargnants que l’immobilier est un placement liquide. Alors que, je le répète, il est foncièrement illiquide. Pour répondre à votre question, oui, il peut y avoir, épisodiquement, des problèmes de liquidité sur les véhicules immobiliers. Mais je rappelle que les bases du marché sont saines. Et que, si problème de liquidité il y avait, il ne durerait pas très longtemps. Il suffit d’attendre de 6 à 12 mois pour que tout rentre dans l’ordre. Nous n’avons pas ce problème aujourd’hui. Mais les gestionnaires doivent rester vigilants. Notamment sur la performance délivrée par leurs véhicules…
Lire aussi
Arkéa REIM lance sa SCPI « Transitions Europe »
Les gestionnaires d’actifs immobiliers renforcent leurs équipes
Nouvelle SCI « Territoires Avenir » chez Arkéa REIM
Arkéa REIM, un nouvel acteur sur le marché des SCPI et des fonds immobiliers non cotés
A propos d’Arkéa REIM(i)
Arkéa Real Estate Investment Management est la société de gestion immobilière du groupe Crédit Mutuel Arkéa. Au sein du modèle multi boutiques d’Arkéa Investment Services, Arkéa REIM réunit l’expérience d’un bancassureur français de premier plan et d’experts reconnus de l’immobilier. Au côté d’Arkéa Real Estate, l’ambition d’Arkéa REIM est d’accompagner les transitions à l’œuvre sur les marchés immobiliers en offrant des produits répondant aux attentes des investisseurs pour un immobilier à la fois durable et performant.
A propos d’Arkéa Investment Services(i)
Arkéa Investment Services regroupe l’ensemble des spécialistes en gestion d’actifs et banque privée du Crédit Mutuel Arkéa. Fort d’un écosystème de boutiques expertes (Federal Finance Gestion, Schelcher Prince Gestion, Arkéa REIM, Arkéa Real Estate, SWEN Capital Partners, Vivienne Investissement, Mandarine Gestion, Yomoni et Arkéa Banque Privée) totalisant plus de 66 Md€ d’encours, Arkéa Investment Services crée des solutions pour protéger et valoriser les placements de ses clients afin de leur permettre d’avoir confiance dans la réalisation de leurs projets.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.
[1] NDLR – Regroupées dans Arkéa Investment Services.
[2] NDLR – C’est-à-dire un viager un peu particulier, qui ressemble au démembrement : achat de la nue-propriété, et usufruit laissé au vendeur (sur durée de vie résiduelle, ou capée).