Dimanche 24 mai, Jean-Pierre Gaillard, l’emblématique chroniqueur boursier, était en direct sur Sud Radio, dans l’émission « Osez investir ». Au menu : un krach boursier est-il possible ? Que penser de la hausse des cours de l’or ? Est-il temps de revenir en Bourse ? Et si oui, sur quels types de valeurs ? Extraits.
Thomas Binet[1] – Jean-Pierre Gaillard, risque-t-on de revivre un « krach » boursier, à l’image de ceux que la Bourse a pu connaître en 1929 ou 1987 ?
Jean-Pierre Gaillard[2] – Non, je ne crois pas au krach… Les marchés, depuis le début de la crise sanitaire, ont été fortement chahutés. Et ils le resteront tant qu’une solution définitive – fin de la pandémie, vaccin, ou médicament efficace – ne sera pas intervenue. Autrement dit, tant que l’on restera en « terre inconnue ». Je rappelle que ce n’est pas – pour l’instant – l’économie qui est malade. Mais les femmes et les hommes qui en assurent la bonne marche. Lorsque l’économie reprendra, le sujet sera « résolu ». Mais il est clair qu’il faudra du temps, sans doute beaucoup de temps, pour retrouver les niveaux boursiers d’avant-crise.
Thomas Binet – Est-il préférable, aujourd’hui, d’investir en Bourse ou dans l’immobilier ?
Jean-Pierre Gaillard – Il y a des risques à investir dans l’immobilier. Il y en a à investir en actions. Il y a des risques à investir, quel que soit le placement. Ce qui change, c’est l’objectif. J’avoue qu’à titre personnel, l’investissement en immobilier se limite à mon immobilier d’habitation. Pour placer mon épargne, cela ne vous surprendra pas, je préfère évidemment l’investissement boursier. C’est un placement sans doute beaucoup plus volatil. Mais je persiste à penser – et l’AMF ne dit pas autre chose – que sur longue période, il s’agit de l’un des meilleurs placements. Il faut simplement être patient…
Thomas Binet – Restons sur la Bourse, donc. Quels types de valeurs vont, selon vous, le plus souffrir de la crise. Les valeurs traditionnelles ? Les valeurs technologiques ?
Jean-Pierre Gaillard – Réponse difficile… Ce que l’on peut dire, sans trop se tromper, c’est que les valeurs qui évoluent dans les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire – restauration, hôtellerie, transport aérien, tourisme en général – ont déjà été les plus durement sanctionnées. Trop peut-être. Prenez l’exemple d’Airbus. Voilà une entreprise qui, avant la crise, disposait d’une remarquable visibilité et d’un carnet de commande très bien rempli. Trois mois plus tard, elle « vole », si j’ose dire, en territoire inconnu. Mais la visibilité reviendra un jour. Il n’est donc pas aberrant de se repositionner sur ce type de valeurs, dont les cours ont énormément baissé.
Philippe David[3] – Lundi 18 mai, l’or a atteint un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis 2012. Confirmant ainsi son statut de valeur refuge. Est-ce pour autant une bonne nouvelle ? Sachant que valeur élevée de l’or rime souvent avec incertitude économique et politique ?
Jean-Pierre Gaillard – J’ai toujours conseillé de détenir un petit peu d’or – de 5% à 10% – dans son portefeuille. L’or ne rapporte rien. Il ne sert plus de rempart contre l’inflation, puisqu’il n’y a plus d’inflation. Son rôle, aujourd’hui, c’est effectivement de servir de valeur refuge. Les avantages de l’or en ce domaine sont bien connus. L’or est inaltérable. Et sa quantité – en circulation et en capacité de production – est limitée.
Thomas Binet – La mise en place du chômage partiel a permis d’éviter des plans de licenciement massifs. Mais si l’activité ne rebondit pas rapidement, le chômage – tout court – ne risque-t-il pas d’exploser ? Provoquant une crise financière et sociale, en plus de la crise économique ?
Jean-Pierre Gaillard – Il est malheureusement écrit que bon nombre d’entreprises vont mettre la clef sous la porte. Et ce malgré les mesures mises en œuvre par les gouvernements et les autorités monétaires, qui injectent massivement des liquidités dans l’économie. Ce sont des outils qui n’avaient pas été utilisés dans de telles proportions auparavant. Suffiront-ils à relancer la machine ? Il y aussi la piste de la réindustrialisation. Qui pourrait en partie compenser les emplois perdus. Mais avant de revenir à l’équilibre, il faudra du temps. Et subir de nombreuses secousses.
Philippe David – Renault risque de fermer 4 usines en France. Est-ce le moment d’acheter ? Car, généralement, quand les grandes entreprises annoncent des licenciements, leurs cours de Bourse a une sérieuse tendance à s’apprécier…
Jean-Pierre Gaillard – Les 40 « patrons » du CAC 40, je les ai fréquentés pendant 40 ans. Jamais aucun d’entre eux ne s’est réjoui de procéder à des licenciements. Le « patron », ce qui le motive, c’est la pérennité de son entreprise. Il en arrive parfois à la conclusion que, pour survivre, il est nécessaire de se « couper un bras ». Mais ce n’est pas une décision prise de gaîté de cœur…
Pierrepapier.fr
[1] Thomas Binet est l’animateur de l’émission « Osez investir » sur Sud Radio, diffusée tous les dimanches matin à 9 h 42. [2] Jean-Pierre Gaillard est président du conseil de surveillance d’Erasmus Gestion, ancien journaliste de France Info et LCI. [3] Philippe David est animateur sur Sud Radio.
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