Un contrat à terme lancé par Euronext en juin 2019 est indexé sur un indice représentatif du marché immobilier parisien. Il permet donc notamment de se protéger contre une baisse des prix. Mais aussi de prendre position, à moindre coût, et sur de courtes périodes, sur le secteur résidentiel. Explications.
Pouvez-vous nous expliquer ce que mesure l’indice PARISSQM, et la manière dont il est calculé ?
Edouard Mouton[1] – L’indice PARISSQM[2] mesure l’évolution du prix « représentatif » du mètre carré de l’immobilier résidentiel parisien. Sa valeur, lors de la dernière mise à jour, était de 10 948 euros[3]. Avant d’expliquer comment il est calculé, il est important de rappeler pourquoi cet indice a été créé. Et dans quel objectif. Il existe déjà de nombreux indices qui retracent l’évolution des prix de l’immobilier parisien. Il s’agit toutefois, pour l’essentiel, d’« indicateurs ». Et non pas d’« indices », au sens financier du terme. L’indice PARISSQM a été construit avec un objectif spécifique. Celui de pouvoir servir de sous-jacent à des produits financiers. Il s’agit donc d’un indice dit « investissable ». Et, en l’occurrence, du 1er indice investissable indexé sur le prix de l’immobilier en France…
Ce qui suppose donc une méthodologie de construction spécifique…
Edouard Mouton – Tout à fait. Pour prétendre à ce statut, un indice investissable doit satisfaire à des contraintes spécifiques. Qui sont d’ailleurs désormais en partie détaillées par une directive européenne (règlement Benchmark), et dont le respect en France est du ressort de l’AMF. Parmi ces contraintes figurent notamment deux critères fondamentaux : la fiabilité de la source des données et la « réactivité » de ces données, et donc de l’indice. L’indice PARISSQM est alimenté par une source on ne peut plus fiable : les notaires parisiens. Il est donc calculé à partir des données recueillies sur les transactions réellement enregistrées. Ces données sont actualisées tous les 15 jours. Surtout, elles reflètent l’évolution du marché physique avec un différentiel de temps très bref. Le décalage n’est en effet que de 6 semaines. Contre jusqu’à 6 mois pour la plupart des indicateurs que j’évoquais précédemment…
L’indice PARISSQM est le sous-jacent d’un contrat à terme proposé par Euronext. Ce contrat a donc pour principal objectif d’offrir aux investisseurs une couverture contre la variation des prix de l’immobilier parisien…
Margot Maurier[4] – C’est effectivement la vocation première de ce contrat future : protéger un portefeuille investi en immobilier parisien contre une baisse potentielle des prix. Ce n’est évidemment pas la seule. Les futures permettent en effet la mise en œuvre de multiples stratégies. Telles que l’extraction de l’alpha généré par un portefeuille physique. Ou la réduction ponctuelle de son risque immobilier. Ou bien encore la couverture d’un programme de promotion immobilière. Enfin, tout simplement, la prise de position sur le marché immobilier, à l’achat, mais aussi à la vente. Et de manière « synthétique ». C’est-à-dire sans les contraintes de délais -et de coûts- qui caractérisent l’investissement physique. L’achat et la revente d’un contrat à terme génèrent en effet des frais de l’ordre de 1%. Contre plus de 8% pour une acquisition immobilière classique…
Dans quels cas peut-il servir à optimiser le risque immobilier d’un patrimoine privé ?
Margot Maurier – Imaginons que le propriétaire d’un appartement parisien de 150 m² décide de le mettre en vente. Il sait que cette opération peut prendre plusieurs semaines. Voire plusieurs mois, compte tenu du prix élevé estimé de ce bien. Durant cette période, l’environnement de marché peut changer. Et les prix s’orienter à la baisse. Pour se prémunir contre cette éventuelle perte de valeur, le propriétaire peut alors vendre 150 contrats à terme (chaque contrat représente 1 m²). Lorsque la transaction « physique » sera finalisée, le différentiel de prix, éventuellement constaté par rapport à la valeur du marché au moment de la prise de décision de vente, sera alors compensé par le gain réalisé sur le rachat des 150 contrats… Et cette technique de « sécurisation » fonctionne également dans l’autre sens.
C’est-à-dire ?
Margot Maurier – Elle peut aussi permettre à un investisseur qui cherche à acquérir un appartement de se protéger contre une hausse des prix à venir. En achetant, cette fois, des contrats à terme pour l’équivalent de la surface recherchée. Et en les revendant une fois l’acquisition réalisée. Avec un gain ou une perte qui compensera le différentiel de prix observé entre la date d’intention d’achat et celle de sa concrétisation.
Qui dit produit dérivé dit souvent effet de levier. Quel est le levier potentiel du contrat à terme sur l’immobilier parisien ?
Edouard Mouton – La valeur du contrat, on l’a dit, est actuellement d’environ 11 000 euros. L’investisseur qui recherche un appartement de 150 m² devrait donc théoriquement acheter 150 contrats, représentant une valeur de 1,65 M€, pour sécuriser son investissement. Une somme qu’il n’a pas nécessairement à disposition. Il peut alors se contenter de prendre une position équivalente, en ne déboursant qu’un dépôt de garantie de 4%. Soit environ 66 000 euros. La valeur de ce dépôt initial est réactualisée tous les jours, via un mécanisme dit d’« appel de marge »[5]. Lequel évolue en fonction du cours de compensation établi après chaque séance de Bourse. L’effet de levier théorique est donc de 25. Cela peut sembler important. Le risque associé est toutefois finalement assez faible. Car la volatilité de l’indice se situe dans une fourchette assez basse, comprise entre 3% et 7%…
Ce contrat a été lancé en juin 2019. Quels sont ses utilisateurs actuels -et potentiels- ?
Margot Maurier – Il y a un effort de pédagogie important à faire sur ce produit, nouveau, afin que la liquidité du marché atteigne un volume nécessaire (100-200 lots échangés quotidiennement) pour assurer son bon fonctionnement. Ce niveau de liquidité permettrait notamment la création d’autres produits investissables, tels que des ETF indexés sur l’indice PARISSQM. Le marché des futures est toutefois déjà animé par deux market makers. Et nous sommes régulièrement interrogés par diverses typologies d’investisseurs institutionnels. Y compris par des gestionnaires de SCPI.
Edouard Mouton – Le marché des particuliers, que nous souhaitons développer notamment par l’intermédiaire des CGP et des banques privées, fait également partie de nos cibles. Outre les stratégies de couverture déjà évoquées, et le faible coût de mise en place de ces opérations, le contrat présente un avantage spécifique pour les personnes physiques. Etant considéré comme un produit financier, il sort de facto du champ de l’IFI…
Propos recueillis par Frédéric Tixier
[1] Edouard Mouton est co-fondateur et responsable de la recherche chez Compass Financial Technologies
[2] COMPASS Kalstone Paris Residential Property Index
[3] Au 19 juin 2020
[4] Margot Maurier est Chef de Projet chez Euronext
[5] Appel de marge géré par LCH SA, montant de 4% évalué et sujet à modification par la chambre de compensation
Pour en savoir plus
L’indice COMPASS Kalstone Paris Residential Property Index (PARISSQM)
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A propos d’Euronext(i)
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A propos de COMPASS Financial Technologies(i)
Compass est une société suisse spécialisée dans la création, le calcul et la publication d’indices financiers et de stratégies quantitatives d’investissement. Depuis sa création en 2017, Compass conçoit pour ses clients des indices innovants et les accompagne dans les différentes étapes du développement de leur gamme de produits indiciels. Grace à l’expérience unique de notre équipe, nous sommes l’un des fournisseurs et calculateurs d’indices financiers les plus innovants et les plus réactifs du marché. Nous administrons ou calculons plusieurs centaines d’indices utilisés comme sous-jacents de produits financiers représentant plusieurs milliards de dollars d’investissement. COMPASS Financial Technologies (France) est enregistré en tant qu’administrateur d’indices de référence au sens de la réglementation européenne sur les indices financiers (EU BMR) auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
(i) Information extraite d’un document officiel de la société