Le marché de bureaux d’Ile-de France, le plus grand d’Europe avec ses 50 millions de mètres carrés affiche des tendances apparemment contradictoires pour le premier trimestre 2013.
Sur le front du placement de surfaces en location, on a pu assister à une nette contraction. Avec 393 500 m² placés fin mars, le marché est en retrait de 24% par rapport à l’an passé à la même époque, et de 38 % par rapport au 1er trimestre 2011. C’est le plus mauvais trimestre enregistré depuis 2009. La baisse de l’activité se ressent plus fortement sur le segment des grandes transactions (>5 000 m²) qui passe de 17 opérations concrétisées au 1er trimestre 2012 pour 210 000 m² à 12 transactions au 1er trimestre 2013, représentant 124 000 m². Cette dégradation accompagne la marche des affaires dans l’Hexagone où la conjoncture s’est sensiblement dégradée au cours des derniers mois. Rien de bien surprenant donc. Si dans un premier temps les entreprises ont alimenté le marché locatif en déménageant pour rechercher des économies, elles ont depuis quelques mois trouvé une oreille plus attentive de leur bailleur qui, conscients de la conjoncture dégradée, acceptent de faire des efforts en réaménageant leurs loyers à la baisse en change de renouvellement de baux plutôt que de se retrouver avec des locaux vacants. Selon le courtier Jones Lang LaSalle, « cette focalisation sur la notion de coût se traduit par un phénomène qui va croissant : les renégociations de baux, qui, de fait, pèsent sur le niveau de la demande placée. Cette solution est souvent retenue par les entreprises dont la motivation est la recherche d’économies : les conditions de négociation financières avec leur propriétaire sont favorables et rester sur place est la solution la moins risquée socialement». Mais cela ne suffit pas expliquer totalement le recul du marché.
Le marché des grandes surfaces donne un éclairage intéressant. D’un côté, il est marqué par un net recul des transactions : 12 opérations seulement au premier trimestre 2013 pour 124 000 mètres carrés contre 17 opérations visant 210 000 mètres carrés un an plus tôt. De l’autre, on observe que ces grandes transactions se concentrent très fortement sur les immeubles de Grade A, qui sont les actifs les plus susceptibles de répondre aux attentes des grandes entreprises « AAA ». Jones Lang LaSalle estime que sur les 12 derniers mois, environ 75% des surfaces placées sur des transactions de plus de 5 000 m² concernent des immeubles de grade A. Le marché de l’immobilier tertiaire commence-t-il à souffrir d’une offre insuffisante d’immeubles de qualité permettant d’accueillir des locataires à la recherche d’immobilier performant ? La crise ouverte par la chute de Lehman Brothers a stoppé et retardé de nombreux projets, ce qui permet au marché de bureaux d’afficher une physionomie plutôt avenante avec un taux de vacance qui reste contrait. A l’issue du 1er trimestre, l’offre immédiatement disponible en Ile-de-France reste stable à 3 581 000 m² (soit un taux de vacance de 6,78%), ce qui peut être vu comme une bonne nouvelle compte tenu du ralentissement d’activité ce trimestre. De même que les valeurs locatives s’avèrent assez résilientes avec un loyer prime de référence en Ile-de-France à 760 €/m² dans le Quartier Central des Affaires à 520 €/m² à La Défense (contre 770 euros et 530 euros à la fin 2012). Mais derrière ces effets positifs et de bon aloi quand la conjoncture se dégrade, on retrouve les débuts d’une obsolescence du parc qui pourrait s’avérer comme délétère à moyen terme. Dommage ! Car si la France a su attirer de nombreux sièges sociaux ces dernières années c’est en partie à la qualité de son parc immobilier dans la région capitale.
Et le programme d’investissement mis en avant par les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) qui annoncent 17 milliards d’euros sur les cinq prochaines années n’est pas non plus de nature à rassurer. Compte tenu de la valeur de leur patrimoine proche de 100 milliards d’euros, leur investissement de l’ordre de 2 milliards par an ne permettra finalement que de lutter contre l’obsolescence de celui-ci (en retenant un taux de 2 % par an) sans qu’elles puissent efficacement participer au développement de nouvelles capacités répondant aux nouvelles normes environnementales.
Le pessimisme de cette analyse trouve cependant en contrepoint un marché de l’investissement qui reste dynamique. Avec un volume d’investissement en Ile-de-France supérieur à 2 milliards d’euros, le 1er trimestre 2013 entérine une hausse d’activité de plus de 40 % par rapport au même trimestre l’an passé. A fin mars, on enregistre 5 transactions de plus de 100 millions d’euros, représentant un total d’investissement proche de 800 millions d’euros, soit le même nombre d’opérations que l’an passé à la même époque. Des chiffres qui auraient presque de quoi rassurer après la saillie du président d’Axa Real Estate qui déclarait à nos confrères du Financial Times qu’il allait redéployer une part des 42 milliards de son patrimoine immobilier hors de la France. Il n’empêche ! Quand Gecina investit pour racheter la tour Mirabeau dans le quinzième arrondissement de Paris, cela ne crée pas de mètres carrés supplémentaires.
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