Pour Laurent Saint Aubin, gérant actions spécialiste de l’immobilier européen chez Sofidy, l’amélioration de la rentabilité qui s’opère dans le résidentiel allemand, dans un contexte toujours marqué par la faiblesse des taux d’intérêt, confère aux foncières spécialistes de ce secteur des niveaux de valorisation attractifs.
Le segment résidentiel allemand représente aujourd’hui 31% de l’indice FTSE EPRA Eurozone cappé mais on constate une sous pondération quasi générale dans les OPCVM spécialisés, et en particulier ceux dits de conviction.
Anomalie locale ? – Apparu véritablement en bourse à compter du milieu des années 2000, le résidentiel allemand coté en bourse, alors largement contrôlé par des fonds d’investissement anglo-saxons, était appréhendé à cette époque comme une anomalie locale fondée sur un taux de propriété particulièrement bas Outre Rhin (45% vs 60% en France ou 70% au Royaume-Uni) destinée à se résorber à brève échéance. L’argumentaire d’investissement était que les allemands allaient rattraper leur retard, offrant aux foncières cotées une prime lorsqu’elles cèderaient leurs actifs au détail alors qu’elles les avaient achetées en bloc. En outre, les prix des logements allemands étaient perçus comme extraordinairement bas, approximativement cinq fois moins élevés à Berlin qu’à Paris.
Aujourd’hui, c’est-à-dire dix ans plus tard, cette situation n’a pas fondamentalement changé. Principalement en raison d’une législation très favorable aux locataires qui limite drastiquement les hausses de loyers.
Meilleure gestion et économies d’échelle – La thématique d’une meilleure gestion s’est depuis imposée au sein du secteur résidentiel allemand. Celle-ci repose essentiellement sur des travaux de modernisation des immeubles permettant in fine des hausses de loyers et la réduction de la vacance. Autre thématique d’actualité, celle de la croissance fondée sur des économies d’échelle qui a conduit à de grandes fusions dans le secteur dont la dernière, entre Deutsche Wohnen et LEG, est en cours. Le principe de ces grandes manœuvres vise à réduire le coût unitaire de gestion en augmentant le nombre d’immeubles à gérer. Dans ce cadre, la grande majorité du résidentiel allemand demeure encore aujourd’hui dans les mains de bailleurs sociaux « publics » alimentant l’attente d’un mouvement continu de concentration au profit des grands acteurs cotés.
Hausse programmée des cash flows – Ceci engendre une hausse des cash flows dont la progression à venir (7% par an en moyenne sur les trois prochaines années) est désormais perçue comme digne d’intérêt par les investisseurs alors que les foncières traditionnelles de commerces et de bureaux voient leur croissance organique se réduire sous l’effet d’un effet de levier sans cesse rogné et de leur plus grande sensibilité à un environnement économique peu porteur. Cette thématique de croissance, aujourd’hui bien valide, est soutenue en outre par un modèle, accepté par les agences de notation, de taux d’endettement plus élevés avec des coûts de financement très bas (plus de 40% pour DW-LEG et plus de 50% pour Vonovia, avec des coûts de financement désormais inférieurs à 2%) et par une modification spectaculaire des perspectives démographiques de l’Allemagne. Cette dernière tient exclusivement à l’arrivée croissante sur le sol allemand de populations étrangères dont la situation économique instantanée, très difficile, n’entraînera pas, de surcroit, de hausse massive de la construction privée et donc renforcera les acteurs existants.
Valorisations attractives – Par ailleurs, les anticipations de taux d’intérêt durablement bas et la liquidité offerte par les titres Deutsche Wohnen et Vonovia séduisent les investisseurs obligataires sensibles à un couple rendement/ risque qui leur paraît favorable : aux niveaux actuels, les rendements offerts par les sociétés résidentielles allemandes avoisinent 3% contre 0,53% pour les emprunts d’Etat allemands à dix ans. Dans ces conditions, les valorisations du secteur résidentiel allemand nous semblent attractives en termes relatifs dans le contexte boursier actuel (10% de prime sur l’Actif Net Réévalué, 20X les Cash-Flows 2016).
A propos de Laurent Saint Aubin
Laurent Saint Aubin a débuté sa carrière en 1986 comme analyste financier à la Banque de l’Union Européenne avant de rejoindre la société de Bourse Ferri puis le CCF. Il a été ensuite Directeur Général d’ING France Securities en charge des activités de marché Actions à Paris, puis, à compter de 2006, responsable des activités de vente et de recherche sur l’immobilier coté au sein du groupe Aurel BGC. Membre de la SFAF, il a reçu en 2012 le trophée du meilleur analyste des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC). Depuis 2014, il gère le FCP Sofidy Sélection 1, où il développe une gestion discrétionnaire visant à « surperformer, via une exposition aux actions du secteur immobilier de l’Union européenne, l’indicateur de référence FTSE EPRA/NAREIT Euro Zone Capped dividendes nets réinvestis ».