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Pour Olivier Gérard, président de Cushman & Wakefield France, société de conseil international en immobilier d’entreprise, il ne fait guère de doute que la fin des mesures de relance, le gel des dépenses publiques et le rythme peu soutenu des créations d’emplois pèseront sur l’économie française en 2011. Cet avertissement étant effectué, ses collaborateurs et lui-même dressent un panorama de la conjoncture immobilière tout en nuances.
Selon leurs estimations, 11 milliards d’euros ont été investis en 2010 en France dans les bureaux, commerces et autres locaux industriels, soit une hausse de 41 % par rapport à 2009, avec une accélération au second semestre. Malgré la vigueur de ce rebond, particulièrement en ce qui concerne les commerces, les chiffres restent en deçà de la moyenne des dix dernières années (14,5 milliards) ; mais ils devraient s’en rapprocher un peu plus cette année, avec un chiffre global attendu entre 12 et 13 milliards.
Commerces : signes de redressement
Chiffres à l’appui, Christian Dubois, directeur général, montre que les surfaces nouvelles proposées aux enseignes commerciales ne progressent pas aussi vite qu’on le pense généralement : qu’il s’agisse des centres commerciaux ou des parcs d’activités commerciales, le volume des ouvertures effectives est systématiquement inférieur à celui qui figurait dans les prévisions du début de l’année ; cela a encore été le cas en 2010, ce qui montre que des difficultés de financement persistent et que le climat économique reste fragile. Mais des signes de redressement du marché sont visibles et certaines tendances se confirment.
Pour les rues commerçantes, il est remarqué une demande ciblée sur les sites et les emplacements de première qualité à Paris et dans les métropoles régionales (ce qui autorise le maintien des valeurs locatives pour ces surfaces), le succès des commerces alimentaires de proximité et de la restauration rapide, un regain du luxe et, plus généralement, du haut de gamme.
Pour les centres commerciaux, une légère pression à la baisse des valeurs locatives a encore été enregistrée en 2010 ; les conditions de négociation sont restées dures pour les bailleurs. Le renouvellement se poursuit, mais davantage par une multiplication d’opérations de taille modeste que par l’inauguration de grands centres. Des opérations comme celles de Lyon Confluence et du Millénaire aux portes de Paris semblent montrer que le modèle de demain se rapproche plus des centres situés au milieu d’une zone de chalandise que de ceux situés à la périphérie.
Pour les parcs d’activités commerciales, Christian Dubois constate le développement d’un marché à deux vitesses, les enseignes ciblant de façon pratiquement exclusive les emplacements et sites stratégiques et les parcs ayant fait leurs preuves. Des projets peuvent toutefois avoir leur place dans l’ouest et le sud de l’Hexagone.
Bureaux : le retour des grandes opérations
Sur le marché des bureaux d’Ile-de-France, Thierry Juteau constate que les grandes transactions (plus de 4.000 m²), initiées par des entreprises soucieuses de rationalisation et de réduction de leurs coûts immobiliers, ont été le moteur du marché en 2010. La demande placée (bureaux loués ou vendus) a progressé de 19 % par rapport à 2009 et se situe à près de 2,1 millions de m², au bénéfice notamment des marchés établis de l’ouest parisien. Le rebond de la demande a conduit à une hausse de 9 % des loyers « prime » en Ile-de-France en un an ; les franchises de loyer jouent toutefois un rôle encore très important dans les négociations, même si elles tendent à diminuer pour les immeubles de qualité les mieux situés.
Comme d’autres professionnels du secteur, Thierry Juteau s’attend à une offre de bureaux neufs très faible en 2012 et plus encore en 2013, du fait du nombre très modeste de lancements en blanc (lancements des travaux de construction de bureaux qui ne sont pas préalablement retenus). En revanche, il constate une augmentation des surfaces obsolètes ; pour certaines, une restructuration peut être envisagée, pour d’autres, la question se pose.
Cette distinction entre bâtiments adaptés à la demande et bâtiments obsolètes se retrouve sur le marché des grands entrepôts. Ce marché reste difficile, avec une offre disponible élevée et des valeurs faciales de location stabilisées au prix de mesures d’accompagnement substantielles sous forme de franchises de loyer.
Vers une stabilisation des rendements
Au total, constate Olivier Gérard, les investissements en commerce (33 % du total) soutiennent l’activité du marché dans son ensemble. Les investisseurs français dominent, mais la part des investisseurs étrangers a augmenté (44 % en 2010) du fait notamment de l’apparition de nouveaux entrants.
L’Ile-de-France concentre 70 % des montants dans l’Hexagone, avec une part prédominante pour les bureaux de 79 % des montants investis dans la région. En province, les volumes placés se sont établis l’an dernier à un niveau supérieur à la moyenne des dix dernières années, grâce au boom des investissements dans le commerce.
La concentration de la demande sur les actifs de qualité a entraîné une baisse des taux de rendement, passés de 5,50 % en décembre 2009 à 4,75 % en décembre 2010 pour les bureaux de qualité « prime » dans le quartier central des affaires de Paris. Mais Olivier Gérard estime que la tendance est à la stabilisation, surtout pour les opérations les plus importantes, à plus de 50 millions d’euros où interviennent seuls les investisseurs institutionnels, qui se montrent soucieux d’obtenir plus de rendement sur l’immobilier que sur les autres actifs. Pour 2011, il prévoit que les investisseurs continueront de se tourner vers les marchés immobiliers dont la valeur refuge tranche toujours avec la volatilité des marchés financiers.