Aujourd’hui encore marginal, le segment des résidences gérées attire de plus en plus d’investisseurs en quête de diversification. L’IEIF, dans une étude récente, estime le potentiel de développement, à horizon 2030, des différentes déclinaisons -résidences seniors, étudiantes, coliving- qui composent ce marché. Analyse.
Le créneau des résidences gérées — seniors, étudiantes ou coliving — apparait, pour bon nombre d’investisseurs institutionnels, comme un segment de plus en plus stratégique. La recherche d’investissements alternatifs à l’immobilier commercial classique -et notamment du secteur des bureaux, durement éprouvés par la crise- les a conduits à davantage s’intéresser à l’immobilier résidentiel. Et plus particulièrement au concept de « Living ». Au sein duquel le segment des résidences avec services présente l’avantage, rappelle l’IEIF dans une étude récente[1], d’offrir « des rentabilités généralement supérieures à celles du logement ordinaire ». Et dont « la gestion s’avère plus compatible avec les contraintes des investisseurs ».
La part du « Living » progresse dans les allocations des investisseurs
Les volumes investis dans l’immobilier résidentiel, au sens large, ont toutefois fortement diminué ces deux dernières années. Mais à l’instar de l’ensemble du marché immobilier tertiaire. Au niveau européen, la part du segment « Living » dans l’investissement global poursuit néanmoins sa progression relative. Il en représentait, à la fin du 3e trimestre 2024, près de 24%. En France, ce sont 475 M€ ont été investis dans le résidentiel l’an dernier, soit un recul de 57% par rapport à 2023. « Le marché a principalement été tiré par le coliving et les résidences étudiantes », rappelle l’IEIF. Le segment des résidences seniors a quant à lui marqué le pas, « alors que certains exploitants sont en difficulté ». En termes de rendements, les taux se situaient alors autour de 5% pour les résidences étudiantes, 6,5% pour les seniors, et 5,5% en coliving.
Résidences services : toujours du potentiel
Les données ImmoStat pour le 1er trimestre 2025 confirment la forte volatilité de l’allocation des investisseurs entre ces trois sous-marchés. Seuls 97 M€ y ont été investis le trimestre dernier, ce qui atteste d’un nouveau recul (-9%) par rapport à 2024. Celui-ci s’explique par « l’absence totale d’activité sur le segment des résidences services séniors », constate BNP Paribas RE dans un commentaire de marché. Seul le segment des résidences étudiantes est en réalité en progression (+64% vs 1T 2024). Mais ces résultats à court terme ne doivent pas masquer le potentiel de développement du créneau des résidences services. Comme en attestent les projections d’allocation des investisseurs pour les prochaines années. Raison pour laquelle l’IEIF s’est livrée à une analyse prospective de ce marché. En établissant, notamment, plusieurs scénarios de croissance potentielle. Et en dressant le portrait « SWOT[2] » de chacun de ses sous-segments…
Résidences services seniors : un marché prometteur, à condition de se réinventer
Les résidences seniors affichent une croissance notable, rappelle l’IEIF : il compte plus de 1 000 établissements fin 2024. Soit un doublement en dix ans. Ce développement repose sur un socle démographique solide — la population des plus de 75 ans devrait atteindre 8,6 millions d’ici 2030 —. Mais il se heurte à plusieurs freins : rareté des nouvelles mises en chantier, complexité du modèle économique, et solvabilité limitée d’une partie de la clientèle. L’IEIF imagine deux scénarios de développement :
- Scénario prudent : +25 000 lits d’ici 2030 (+124 résidences), pour atteindre une part de marché stable de 2,3% ;
- Scénario ambitieux : +114 500 lits supplémentaires (+570 résidences), pour porter la part de marché à 4%.
Pour l’heure, ce segment de marché est dominé par des acteurs tels Domitys, Les Girandières, Les Sénioriales ou encore Les Jardins d’Arcadie. Ils devront néanmoins faire évoluer leurs modèles vers plus de modularité, d’offres à la carte et de partenariats, notamment avec les collectivités locales.
Résidences étudiantes : une offre qui peine à suivre la demande
Avec 3 millions d’étudiants attendus en 2030, la demande de logements étudiants est structurellement sous tension. Le parc actuel, estimé à 434 000 lits (dont 36 % dans le privé), est très insuffisant. D’autant plus que le marché locatif classique s’est restreint, notamment dans les grandes métropoles. Les résidences étudiantes privées affichent une part de marché de 5,3 % en 2024, contre 3,3 % dix ans plus tôt. Les scénarios prospectifs à horizon 2030 sont les suivants :
- Scénario stable : part de marché inchangée, soit 2 898 résidences (+14 par rapport à 2024) ;
- Scénario dynamique : part de marché à 7,4 %, soit 66 000 lits supplémentaires (+330 résidences).
Parmi les leaders de ce marché figurent Studéa, Les Estudines, The Boost Society (Kley), ou encore Uxco. L’IEIF souligne que la rentabilité à long terme de ce type d’investissement dépend fortement de l’exploitant et du modèle d’exploitation retenu.
Coliving : un segment jeune mais en très forte croissance
Avec 14 500 places recensées en 2024, et +70 % de croissance sur trois ans, le coliving s’affirme comme un format hybride entre colocation, hôtellerie et résidence services. Ciblant d’abord les jeunes actifs, il tend aujourd’hui à élargir sa base, notamment vers les seniors et les familles via le Build-to-Rent. Le parc devrait croître de 7 000 places supplémentaires d’ici 2027. Les deux scénarios à horizon 2030 sont les suivants :
- Scénario de croissance modérée : 58 000 lits, soit +43 500 (+218 résidences) ;
- Scénario ambitieux : 145 000 lits, soit un quasi-décuplement (+654 résidences).
Parmi les opérateurs-clés, l’IEIF cite Colonies, The Boost Society (AXA), Bikube (VINCI), ou ECLA (Brookfield). L’institut rappelle que, du fait d’un cadre réglementaire encore flou, notamment sur la fiscalité (BIC vs LMP), et de l’usage des bâtiments, les stratégies d’investissement sont plus complexes à calibrer.
Une classe d’actifs à suivre : mutations, risques et opportunités
Le potentiel du marché des résidences gérées est donc indéniable. Mais il exige discernement et adaptation. Car si les rendements sont attractifs, et les besoins structurels en croissance, les risques d’exploitation, la dépendance de la qualité des opérateurs et les incertitudes réglementaires imposent une analyse rigoureuse des business plans…
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A propos de l’IEIF(i)
Créé en 1986, l’IEIF est un centre d’études, de recherche et de prospective indépendant spécialisé en économie immobilière. Son objectif est de soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur réflexion stratégique, en leur proposant des études, notes d’analyses, synthèses et clubs de réflexion. Il est producteur de statistiques et d’indices sur les fonds immobiliers non cotés (Edhec IEIF Immobilier d’entreprise France et IEIF OPCI Grand Public) et sur les sociétés immobilières cotées (18 indices quotidiens, dont l’indice Euronext IEIF REIT Europe).
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.
[1] « Les Résidences gérées en France : état des lieux, principaux acteurs et potentiel de développement » – IEIF – Avril 2025.
[2] Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats.