Emprunter pour acheter un bien immobilier se heurte aujourd’hui au taux d’usure. Une mesure de protection se retourne ainsi contre ceux qu’elle est censée protéger, les emprunteurs.
Le plafond assurance comprise, actuellement de 2,57 ou 2,60 % selon la durée du prêt, soulève de sérieuses difficultés. Des candidats emprunteurs doivent renoncer à leur projet de financement. La Banque de France ne révise pas ses calculs de taux d’usure au fur et à mesure de la hausse des taux, ce qui rend encore plus difficile de faire aboutir les dossiers de crédit immobilier.
Les professionnels de l’immobilier, et notamment les courtiers, protestent.
Et si la situation était plus complexe et surtout plus invraisemblable qu’on ne le pense généralement ?
Bonjour,
Aujourd’hui, nous allons parler du taux d’usure.
À suivre la presse, la radio, la télévision, les réseaux sociaux, on pourrait penser que c’est un sujet immobilier. Le taux d’usure est tellement bas, de 2,60 % en septembre 2022 pour des crédits immobiliers entre 10 et 20 ans, ou même de 2,57 % pour les crédits de plus de 20 ans, qu’il devient un frein. Car en incluant l’assurance qui accompagne l’emprunt, on atteint vite ces taux et le dossier de financement ne peut plus passer. De nombreux acteurs de l’immobilier protestent. Pourquoi un taux si faible ?
Le taux d’usure représente le taux maximal du prêt
Je dois vous avouer que dans ma naïveté, j’en étais resté à la vieille notion de l’usure. Autrefois on appelait usure la mise à disposition d’un bien ou d’argent, et le taux d’usure représentait l’intérêt du prêt. Et un taux usuraire était un taux excessif. Chez les Babyloniens, par exemple, il ne fallait pas dépasser 20 à 30 % par an. Puis dans les pays européens, au Moyen-Âge, le prêt d’argent était tout simplement interdit. Peu à peu, notamment sous l’influence de la réforme protestante, le prêt d’argent est redevenu une pratique courante. Et l’on a commencé à nouveau à parler de taux usuraire, c’est-à-dire de taux excessif. Dans le langage moderne, le taux d’usure est le taux maximum à ne pas dépasser.
J’en étais là, lorsque j’ai vu sur LinkedIn une succession de posts sur le taux d’usure qui était trop bas, et qui empêchait un certain nombre de candidats emprunteurs d’acheter une maison ou un appartement. J’ai alors découvert ce taux d’usure à 2,60 % ou de 2,57 % selon la durée d’emprunt. J’ai pris l’un de ces posts, et j’ai posé une question : « je ne saisis pas bien, les découverts bancaires sont plus élevés, où est passé le taux d’usure ? ». L’auteur m’a répondu très aimablement en m’expliquant que la Banque de France fixait des taux d’usure différents selon les types de prêts. Bon, il a été sympa car j’aurais vraiment dû le savoir. Une étourderie ! Et il m’a envoyé le tableau de la Banque de France.
Selon le type d’emprunt, le taux d’usure varie de 2,57 à 21,11 %
Et là, surprise. Pour les prêts à la consommation de moins de 3000 euros par exemple, le taux d’usure, donc le taux maximum que peut appliquer le prêteur est de 21,11 %. Ouille ! J’ai tout de suite pensé à ces malheureux qui ont du mal à aller jusqu’à la fin du mois. Ah, pour eux, le taux de découvert maximal est de 15,39 %. Pendant qu’on est entre 2,57 et 2,60 pour un prêt immobilier. Mais quelle est la logique de tout cela ?
Bon, en France nous aimons bien protéger le consommateur. Donc pour l’argent nous fixons des taux d’usure. Et l’on écoute les différents protagonistes. Les banques par exemple, sont en droit de dire que les personnes fragiles sont plus risquées, qu’il faut donc leur appliquer un taux limite plus élevé. D’accord, mais jusqu’où ? Un intérêt trop élevé n’aide pas une personne en difficulté à améliorer sa situation. Là, le taux limite ne la protège plus. Et pour revenir à l’immobilier, en quoi cela protège les emprunteurs de ne pas pouvoir aller jusqu’à 3 % par exemple ?
En France on protège le consommateur ?
J’ai décidé de regarder ailleurs. Au Canada, le taux d’usure est unique. Tenez-vous bien, il est de 60 %. Cela ne veut plus rien dire non plus. Alors, revenons en France, et protégeons l’emprunteur.
Pourquoi ne pas revenir à un minimum de bon sens ? Si le taux d’usure veut dire ce qu’il veut dire, taux qui fixe la limite à partir de laquelle on va trop loin, il n’y a vraiment aucune raison pour avoir 15 lignes de taux d’usure différents dans le tableau de la Banque de France. Et l’écart est bien trop large : 2,57 à 21,11 % !
À trop protéger on ne protège plus.
Alors voilà. Il me semble que si les acteurs immobiliers se battaient plus généralement pour une révision du taux d’usure dans son ensemble, d’abord ils feraient œuvre utile, ce qui n’est déjà pas mal, et ensuite leurs emprunteurs bénéficieraient de cette réforme.
Je vous souhaite une très belle journée.
Voir aussi
Le marché immobilier vers une pénurie de logements