Les vents économiques qui soufflent sur l’immobilier, sur sa santé et sur l’évolution des prix, sont essentiellement la croissance, l’inflation, les taux d’intérêt, et les grandes mutations comme celle que nous vivons aujourd’hui. La démographie, qui elle-même a beaucoup d’importance pour la vitalité économique, a aussi une influence directe sur l’immobilier.

Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade ! Une bonne économie est souhaitable pour les particuliers, pour les entreprises, et par conséquent pour l’immobilier.

En effet si la grande machine économique tourne normalement, l’emploi et les revenus des ménages sont bien orientés. L’activité des entreprises aussi. On observe alors un cercle vertueux pour l’immobilier :

  • Les particuliers ont de meilleures possibilités de devenir propriétaires ou d’investir. Le logement en bénéficie.
  • Ils consomment plus facilement. Soutien à l’immobilier de commerce.
  • Les entreprises sont plus consommatrices de locaux. L’immobilier de bureaux, d’entrepôts logistiques et autres installations se développe et se transforme.
  • Sans compter que les particuliers et les entreprises sont plus « solvables », ce qui soutient les loyers.

Mais il y a plus…

L’inflation

Celle-ci n’est pas mauvaise pour l’immobilier, mais elle n’est pas franchement bonne pour l’économie… donc l’idéal est qu’il y en ait un peu, mais pas trop !

Pourquoi l’inflation est-elle réputée bonne pour l’immobilier ? Parce qu’en période inflationniste les salaires et les prix montent. Les loyers n’ont pas de raison d’échapper au mouvement général. Bien entendu, la hausse des loyers entraîne la revalorisation des biens. C’est ce qui s’est passé pendant les « Trente Glorieuses » (1945-1975).  Dans ces années, la croissance économique fut en permanence accompagnée d’une hausse des prix, des salaires et des loyers. Avec par conséquent une forte revalorisation de l’immobilier.

Mais il y aussi une autre raison pour laquelle l’immobilier peut aimer l’inflation. On l’a vu pendant les années soixante-dix. Économie perturbée, avec la crise du pétrole qui a débuté en 1973, inflation très forte, parfois supérieure à 10 %. Quand la monnaie perd de sa valeur, on se replie vers les biens « réels » et l’immobilier en particulier. Il s’agit d’une configuration heureusement rare, où l’économie va mal mais où l’immobilier devient une valeur refuge.

La plus mauvaise configuration est celle que nous connaissons actuellement. (Au moment où cet article est mis à jour, fin 2023). En effet, depuis le début des années 1980, soit pendant plus de quarante ans, l’inflation avait pratiquement disparue. Assez pour que les acteurs économiques n’aient pas besoin de la prendre en compte.

Or, quand on bascule vers une nouvelle période où l’inflation compte, tout est bousculé. Les salaires ne suivent pas immédiatement la hausse des prix, ce qui perturbe le pouvoir d’achat des ménages. Nombre d’entreprises ont des difficultés. Et les locataires, particuliers ou entreprises, résistent à la hausse des loyers même prévue par une indexation.

En fait, l’immobilier bénéficie de l’inflation dans la durée, mais en souffre à ses débuts.

Les taux d’intérêt

Si ceux-ci sont inférieurs aux rendements de l’immobilier, ils l’aident. S’ils sont supérieurs, ils le pénalisent.

Le mécanisme se comprend sans difficulté. Imaginons un bien immobilier d’une valeur de 400 000 euros. Avec un revenu net annuel (loyer moins tous les frais) de 16 000 euros. Le rendement (loyer/prix x 100) est de 4 %.

À 2 % de taux de crédit, l’argent investi rapporte plus que ne coûte l’argent emprunté. L’emprunt devient un accélérateur de rentabilité. Cela encourage des investisseurs à utiliser le crédit en plus de l’argent dont ils disposent. Résultat, les flux d’épargne vers l’immobilier augmentent, ce qui soutient les prix. Sans compter que, dans ces conditions, les candidats propriétaires peuvent eux aussi emprunter plus facilement. Ce qui augmente encore le nombre des acheteurs.

Mais à l’inverse, si pour le même bien il faut emprunter à 5 %, tout le mécanisme grippe. Nous connaissons aujourd’hui cette configuration, qui diminue le nombre des acheteurs.

Les taux d’intérêt, encore

On ne doit pas oublier que le prix d’un bien immobilier dépend de deux éléments. D’abord le rapport entre l’offre et la demande pour ce bien, tout le monde a compris cela. Mais aussi la valorisation en général des actifs, facteur moins souvent compris.

Explication. L’immobilier, comme les actions d’ailleurs, donnent un revenu. En comparant le revenu et le prix, autant dire qu’il y a un rendement. Or les rendements respectent un certaine proximité. Imaginons qu’un placement donne 5 % de rendement pendant que les taux sont à 2 ou même à 0 %. Eh bien mécaniquement la valeur de ce placement, immeuble ou action, va monter. Simplement pour que son rendement redescende à 4 ou 3 %.  Nous avons connu dans toutes les dernières années une montée impressionnante de tous les actifs, du fait des taux faibles. Cela veut dire que désormais, puisque les taux sont remontés, tous les actifs vont baisser de valeur !

On a donc un jeu d’équilibre entre l’effet rareté, l’offre et la demande, et l’effet valeur d’actif, les taux d’intérêt. Ce qui ajoute actuellement aux souffrances du marché immobilier.

La démographie

Voilà un facteur essentiel, aussi bien pour l’économie que pour l’immobilier.

Quand on s’occupe d’économie, on regarde la population active, celle qui peut créer de la richesse. Et on la compare au nombre d’enfants, qui représentent l’avenir mais qui sont à la charge de ceux qui travaillent. En ajoutant les personnes âgées qui, elles aussi, question de décence sociale, dépendent du travail des personnes actives. On regarde aussi le niveau d’études ou de qualification, d’adaptation aux nouvelles activités. On scrute aussi les statistiques de naissance pour savoir si le pays prépare son avenir. On s’attarde enfin sur les flux d’immigration qui, pour un économiste peuvent aussi renforcer la population active.

Tous ces éléments vont influencer la prospérité économique, et donc l’immobilier. Mais pas exactement comme on pourrait s’y attendre.

Démographie et immobilier

Le raisonnement par la « moyenne » est le piège le plus sournois en matière de démographie pour ses effets sur l’immobilier. Imaginez une personne qui aurait les pieds dans le four et la tête dans le réfrigérateur… elle serait « en moyenne » à la bonne température ! Méfions-nous des moyennes, surtout en ce qui concerne l’immobilier. Celui-ci est local. Les migrations au sein du territoire français sont en réalité le facteur dominant : les villes universitaires attirent des jeunes, celles du soleil attirent des retraités, d’autres villes sont de véritables bassins d’emploi où les entreprises attirent des personnes actives, des étudiants ou jeunes actifs viennent en région parisienne et des quinquagénaires ou retraités la quittent : ces mouvements modèlent des marchés différents pour le logement, pour le commerce, pour les bureaux. Il y a bien sûr d’autres facteurs, par exemple la natalité d’il y a vingt ou vingt-cinq ans, car les jeunes vont chercher à se loger par eux-mêmes ; ou les divorces, car chaque famille monoparentale occupe un logement. Après avoir insisté sur le caractère local de l’immobilier, on peut néanmoins présenter le tableau général : la démographie est bien orientée en France, à la fois au niveau du nombre des ménages (logement) et celui des personnes actives (immobilier d’entreprise).

Les grandes mutations

La transformation de notre société par la grande vague de digitalisation, d’évolution des usages, de préoccupation en matière de dépenses énergétiques, touche naturellement l’immobilier.

On voit des tendances vers la flexibilité, comme le coworking ou le coliving. Le télétravail bouscule le marché des bureaux, et influence aussi le marché du logement. La vitalité du e-commerce force les centres commerciaux mais aussi les magasins de centre-ville à évoluer. Tout en transformant l’univers des entrepôts car il faut bien livrer ce qu’on achète sur un écran. L’Intelligence Artificielle donne un second souffle au secteur des Data Centers, car il faut bien abriter et protéger les données. Les normes énergétiques nouvelles rebattent toutes les cartes de la qualité des immeubles. Dans ce tourbillon de changements rapides, que va faire l’immobilier ?

On peut dessiner plusieurs lignes d’avenir.

  • L’adaptation de nos immeubles et de nos villes sera au cœur du dynamisme économique maintenu ou renouvelé. Quel meilleur argument qu’une utilité, voire une indispensabilité ? L’immobilier a un bel avenir…on a besoin de lui !
  • En revanche, les immeubles déjà construits devront de plus en plus être adaptés pour rester « dans le jeu ». Cela signifie des dépenses pour maintenir la valeur du capital. Donc une réalité à laquelle nous ne sommes sans doute pas psychologiquement préparés. Il faudra plus compter à l’avenir sur les revenus obtenus par un immobilier sans cesse à jour en matière d’usage, que sur des plus-values automatiques. Immobilier ne sera plus synonyme de plus-value mais de revenu.
  • On peut donc penser aussi que les grands patrimoines gérés professionnellement seront mieux armés pour accompagner les mutations. Les SCPI, ou les OPCI, ou les Foncières cotées avaient comme argument majeur la diversification. Mais la diversification va changer de signification ! Elle entendait une mutualisation des risques sur de nombreux immeubles et de nombreux locataires. Elle voudra dire aussi la capacité, par la taille, donc le flux de revenus, à adapter en permanence une partie du patrimoine. La pierre papier a de l’avenir !