L’impact économique du football est un vaste sujet. La victoire d’un pays à la Coupe du monde compte beaucoup pour sa population. Mais a-t-elle un impact sur la croissance ? Les économistes parlent de confiance des ménages comme facteur à la fois de consommation et de productivité. Moral, espoir, la compétition et surtout la victoire sportive sont-elles des ingrédients pour relancer une économie ?
Bien que la France n’ait pas gagné la Coupe du monde 2022 au Qatar, elle sort avec les honneurs. Les Bleus nous ont fait rêver. Mais c’est l’Argentine qui vient de rapporter le fameux trophée à Buenos Aires. Maintenant que la compétition est terminée, interrogeons-nous un instant : une victoire ou une finale en Coupe du monde aurait-elle influencé la croissance française ?
L’impact sur la consommation des ménages
Photographie de la croissance d’un pays, le produit intérieur brut reste, à tort ou à raison, le référentiel. La consommation française représentait 60 % du PIB (produit intérieur brut) avant la crise sanitaire. C’est donc un marqueur important, même s’il est moins élevé qu’aux États-Unis (70 %). Le comportement des consommateurs joue donc un rôle essentiel pour les acteurs économiques. Sans la consommation, il n’y a pas de croissance. Et sans celle-ci, le déficit et le chômage augmentent. Effet domino, les conséquences deviennent sociales et sociétales.
Avec les Coupes du monde de football de 1970 à 2002, par exemple, les pays vainqueurs ont obtenu une augmentation de la croissance de 0,7 % par rapport aux années précédant la finale. Un faible pourcentage à nuancer face aux moments de bonheur apportés aux populations des pays vainqueurs. La satisfaction des ménages et la confiance des chefs d’entreprise reprennent des couleurs après un événement sportif tel qu’une Coupe du monde ou durant les Jeux olympiques. Ne consommons-nous pas davantage lorsque nous sommes heureux ? N’investissons-nous pas davantage lorsque nous sommes plus confiants ?
L’impact pour le pays organisateur en 1998
La France remportant la finale de 1998 au Stade de France, pays organisateur de l’événement, avait enregistré une croissance de 6 % en rythme annuel durant les trois mois après sa victoire. Il y a toujours un impact pour le pays organisateur, même si les investissements réalisés s’amortissent sur du très long terme. Sur le court terme, « l’affluence de centaines de milliers de spectateurs entraîne un boom de la consommation avec, pour corollaire, une amélioration temporaire de l’emploi et des nouvelles rentrées de fiscalité indirecte affirme » Paul Dietschy. La consommation des ménages avait alors progressé de 2,6 % au troisième trimestre, après 0,7 % au trimestre précédent. L’investissement des entreprises avait également été particulièrement dynamique (+ 6,6 %) selon la Banque de France. Les investisseurs avaient pris davantage de risque puisqu’ils avaient confiance dans l’avenir de l’économie française.
La Coupe du monde de 2018
Vingt ans plus tard, la France va renouveler l’expérience en remportant une seconde fois la Coupe du monde en Russie. En ce 15 juillet 2018, tout le monde est unanime : l’exploit est mérité. Quelle compétition ! Les Bleus sont plus forts que jamais, unis dans la victoire. On s’identifie au capitaine de l’équipe. Il est simple, accessible et sympathique. Même les managers des grandes entreprises se reconnaissent en Didier Deschamps. La France vibre…un instant seulement. Le dernier but était à peine marqué que ce qu’on a appelé « l’Affaire Benalla » éclatait et commençait à tourner en boucle sur toutes les chaînes de télévision, éclipsant totalement la Coupe du monde de football. Exit les débordements d’allégresse… exit l’aide à la croissance du PIB. Cela fonctionne dans les deux sens. Le matraquage médiatique sur les turpitudes de la République n’est pas une potion pour renforcer la joie de vivre.
Finalistes et perdants, un effet légèrement négatif sur l’économie
Selon les analyses qui ont été réalisées depuis cinquante ans, la croissance économique des pays champions du monde est sensiblement meilleure que celle des pays finalistes perdants. Ce qui paraît logique.
De plus, les équipes perdantes des finales de la Coupe du monde ont généralement subi une baisse de la croissance, parfois jusqu’à 0,3 % par rapport au taux de l’année précédente ! Reconnaissons que c’est quantité négligeable… bref, il est préférable de gagner.
Gagnants et perdants, tout le monde gagne
Certains secteurs d’activité tirent toujours profit de l’effet Coupe du monde. Les soirs de match, certains bars et brasseries en France voient leur chiffre d’affaires augmenter de 30 % en moyenne. Ce pourcentage varie naturellement en fonction de la ville, de la localisation et de la superficie de l’établissement. Les plateformes de livraison marchent également à plein régime, surtout lorsque la météo devient moins clémente. Les équipementiers sportifs comme les fabricants d’écrans de télévision réalisent des ventes records. Les fabricants de produits dérivés (drapeaux français, tee-shirts) voient leurs ventes augmenter. Ces activités ne rencontrent une telle croissance que durant l’événement sportif. Cela peut durer plusieurs semaines si l’équipe remporte la Coupe du monde
Quel impact pour l’Argentine ?
Le football est le sport le plus populaire en Argentine. Lionel Messi rejoint le dieu du football argentin, Diego Maradona. Une page s’est inscrite dans l’histoire dimanche.
La victoire de l’Argentine au Qatar pourrait ajouter 0,1 % à son PIB grâce à l’augmentation de la consommation intérieure. Pourquoi si peu ? Il faut savoir que le PIB argentin est quatre fois moins élevé par habitant que celui de la France. Il s’établit à 10 720 dollars par habitant contre 43 519 dollars pour la France en 2021. L’Argentine traverse toujours une crise économique, en fait depuis 20 ans. Avec un taux d’inflation de 88 % (octobre 2022) l’économie est déséquilibrée. La dette de l’Argentine représente 45 milliards de dollars selon le FMI. Même si elle ne représente que 55 % du PIB du pays, celui-ci est en défaut de paiement des intérêts de sa dette depuis mai 2020.
Face à la victoire contre la France dimanche 18 décembre 2022 au Qatar, les Argentins vont continuer de fréquenter plus que jamais les restaurants et dépenser leur argent plutôt que d’épargner. Pourquoi épargner dans une économie impactée par une telle inflation ? Néanmoins, l’économie argentine pourrait profiter de la victoire pour améliorer son image et faire venir davantage de touristes en 2023. L’Argentine va renvoyer l’image d’un pays accueillant, festif, sympathique avec de magnifiques paysages. Cette arrivée de devises ne permettra pas de réduire les 33 % des Argentins qui vivent toujours dans la pauvreté, ni de développer le secteur industriel de l’Argentine, mais c’est au moins un facteur positif.
La victoire et ses effets positifs sur la population
L’effet de la victoire d’une Coupe du monde sur une population est avant tout psychologique. Il est difficilement quantifiable puisque le contexte économique, politique et géopolitique évolue comme les attentes et le mode de vie d’une population. L’environnement économique et financier de 2022 ne ressemble pas à celui de 2018 et encore moins à celui de 1998. L’effet victoire permet d’atténuer néanmoins les problèmes rencontrés. Et ces derniers ont été nombreux depuis deux ans pour l’Argentine comme pour la France avec la crise sanitaire et l’inflation des biens de consommation. Le taux de dépendance énergétique était de 13 % pour l’Argentine contre 44,5 % pour la France en 2020. La victoire apporte toujours un élément positif psychologique à sa population et à l’ensemble des acteurs économiques, même s’il reste temporaire.
Redonner de l’espoir
Même s’il y a une part d’irrationnel dans l’économie, les effets psychologiques ne sont pas assez forts pour transformer la crise d’un pays en une relance d’activité et de consommation. Gagner une Coupe du monde ou atteindre le deuxième podium permet néanmoins de renforcer le capital image du pays vainqueur ou finaliste. Cela redonne également de l’espoir. Et l’espoir n’a pas de prix lorsqu’une population a besoin d’optimisme. Ce qui est le cas de l’Argentine actuellement. Dans un contexte mondialisé et fragilisé par les conséquences de la crise sanitaire et l’envolée du prix des matières premières, la confiance des consommateurs et des investisseurs demeure plus que jamais d’actualité pour soutenir un pays comme l’Argentine et même comme la France.
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